L’Amour à mort

D.R.

En présentant Aleko et Francesca da Rimini de Rachmaninov, l’Opéra national de Lorraine propose une réflexion sur Éros et Thanatos et la redécouverte de deux chefs-d’œuvre du compositeur russe.

Si Rachmaninov a acquis ses lettres de noblesse dans l’histoire de la musique ce n’est surement pas grâce à ses opéras, lui qui n’en composa que trois. Pages fulgurantes et négligées, elles méritent cependant qu’on se penche plus souvent sur elles : c’est ce que fait le metteur en scène roumain Silviu Purcărete dans une production initialement montée au Teatro Colón de Buenos Aires où il en rassemble deux. Aleko (1893) tout d’abord, est une œuvre de jeunesse, un exercice de style écrit en 17 jours seulement pour un examen de Conservatoire. Pétrie d’influences multiples (Glinka, Tchaïkovski ou Borodine en tête), cette musique est néanmoins déjà pleine de l’invention et de la fluidité dont fera preuve le compositeur tout au long de sa carrière. L’histoire ? Elle se déroule dans un campement tsigane, ici restitué avec une pointe de surréalisme dans un cadre – où trônent des caravanes très sixties et une Diane antédiluvienne – qui ressemble à un cirque avec chapiteau, clowns blancs et ours. Aleko, trompé par sa jeune épouse Zemfira, tue sa femme et son amant alors qu’ils se moquent de lui. Il sera banni…

De mort, d’amour et de trahison, il est aussi question dans Francesca da Rimini (1906) inspiré de Dante : dans le premier cercle de l’Enfer, se trouvent les malheureux amants que sont Paolo et Francesca. Flashback à Rimini, où le vieux et laid Lanceotto s’apprête à partir à la guerre laissant sa jeune et jolie épouse à la garde de son jeune frère qu’elle aurait dû épouser. Arrive ce qui devait arriver : les deux tourtereaux succombent à leur passion réciproque et sont tués par le mari jaloux qui fait un retour inopiné, les plongeant dans les souffrances éternelles des âmes damnées. Opéra symphonique où éclate la maestria de l’écriture orchestrale de Rachmaninov, cette œuvre se déploie dans un décor épuré où deux univers plastiques – correspondant aux deux temporalités distinctes – se répondent sans cesse : la tristesse lugubre d’enfers ténébreux et l’incarnation lumineuse et charnelle des amours terrestres.

À Nancy, à l’Opéra national de Lorraine, du 6 au 15 février. Conférence d’André Lischke jeudi 5 février à 18h30 (entrée libre)
03 83 85 33 11 – www.opera-national-lorraine.fr

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