Initials B.B.

Les Plages, Le Parasol, 1967, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris © Musée d'Art moderne / Roger-Viollet © ADAGP, Paris 2016

Reconnaissables au premier regard, mais rarement montrés dans les institutions, les tableaux du controversé Bernard Buffet font l’objet d’une rétrospective chronologique au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Visite.

Longtemps, Bernard Buffet (1928-1999) est resté dans le purgatoire de l’Histoire de l’Art, beaucoup lui reprochant son stylé stéréotypé et un maniérisme autocentré. Il est vrai qu’après-guerre ses compositions figuratives méditatives et mélancoliques s’éloignent de la doxa abstraite dominante… Le succès fut foudroyant. Rolls-Royce, château, couverture de Match et jet-set tendance Sagan, dont il illustre Toxique, le journal de désintox. À revoir ses premières œuvres, jusqu’au milieu des années 1950, on demeure scotchés tant la douleur affleure : visages taillés à la serpe cernés d’un contour noir, angulosité et dépouillement extrême des corps et des décors (jusqu’à la signature qui fait partie intégrante de la toile). À 26 ans, avec le monumental triptyque Horreur de la Guerre (1954), il livre une version post-expressionniste de la mort dans les camps, dans un improbable espace pictural entre Giacometti et Dix. La suite est une orgie de pigments saturniens. Des dizaines de séries pour plus de 8 000 œuvres : l’artiste est animé d’une véritable fureur de peindre. Singes mélancoliques, filles de joie peu joyeuses, clowns tristes, hiératiques et sanglantes corridas ou encore plages grisâtres peuplées de baigneuses longilignes qu’on imagine en pleine dépression… Buffet livre son exposition annuelle dans sa galerie, mais peint également à la chaîne des clowns clones et des bouquets de fleurs pour les intérieurs de la (grande) bourgeoisie où il se caricature lui même, ne faisant néanmoins pas pire qu’un Warhol serial portraitiste. Peintures narratives et littéraires de L’Enfer de Dante ou de 20 000 Lieues sous les mers ou Terroristes sinistrement prémonitoires : la peinture de B.B. n’est pas décorative. Elle est simplement en phase avec son époque, mixant Pop Art, Société du spectacle et rejet de l’intellectualisme du Bad painting américain. La déambulation dans les salles du musée invite à voir le corpus présenté sous ce prisme, mettant en évidence les deux âges où Buffet fut le plus pénétrant, la jeunesse et l’ultime cycle de 24 toiles retrouvé dans son atelier après son suicide par asphyxie dans un sac plastique portant sa signature, première & dernière morbide performance d’un homme, atteint de la maladie de Parkinson, qui ne voulait pas dépasser l’an 2000. La Mort (1999) regroupe des personnages hiératiques vêtus de costumes Renaissance peints vivants, puis écorchés picturalement. Sarcastiques, ces squelettes évoquant curieusement Basquiat font un ultime pied de nez aux détracteurs du peintre.

Au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 5 mars

www.mam.paris.fr

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