Grand entretien avec Daniel Payot

Interview thématique de Daniel Payot, Adjoint en charge de l’action culturelle, sur la politique culturelle de la ville de Strasbourg, réalisée à l’occasion de notre dossier Question de culture, le 5 février, dans son bureau de la rue Brûlée.

Où en est-on du Leg de Denise Renée ?
On attend des retours des légataires personnels qui passent avant les légataires institutionnels (Beaubourg et Strasbourg). La liste des œuvres qui reviendraient à Strasbourg en dépend. On ne sait toujours pas leur nombre. Nous avons simplement des éléments de noms d’artistes. Pour des questions juridiques d’héritage, le temps de réflexion a été allongé sur demande des légataires personnels.

Vous avez tout de même commencé à plancher sur les possibilités d’utilisation de l’Aubette, le cas échéant ?
Le testament parle de l’Aubette, sans parler de l’endroit précis. Pas question d’accrocher des choses dans les salons classés, ni dans la grande salle qui est fortement utilisée pour la culture et d’autres événements. Il resterait des possibilités de préempter des locaux commerciaux ou de trouver d’autres endroits dans le bâtiment. Il y aura une discussion avec les légataires sur le pourcentage de ce qui devra se trouver à l’Aubette dans ce que Strasbourg acquerra. On parlait de 25% mais ce chiffre est négociable et tout dépendra de ce qu’on a : dessins, peintures… Les grands formats se retrouveront surement au Mamcs. On y est très attaché car cela fait de Strasbourg une capitale européenne de l’Art moderne, sans cette inflation habituelle sur la Capitale européenne.

La négociation avec le Centre Pompidou n’a pas commencée ?
Non mais elle ne sera pas compliquée. Si j’ai bien compris, ils ne sont pas spécialement intéressés et vont recevoir une notification comme nous. Ils peuvent prendre ou ne pas prendre, en fonction de la cohérence de leurs collections…

OPÉRA
La construction d’un nouvel opéra était dans les promesses de Roland Ries. Le contexte économique a rapidement rendu caduque cette idée. À un an de la fin du mandat, vous mettez 40 millions d’euros sur la table pour rénover l’Opéra. Pourquoi cela arrive-t-il si tard ?
Robert Grossmann le disait aussi pendant la campagne ! Il était tenté par un Opéra en bord du Rhin, franco-allemand. Un cabinet d’étude technique a travaillé dessus, comme aide à la décision pour nous. Ensuite, il y a eu l’étude de Monsieur Snowman qui a rendu une étude sur les types de bâtiments construits dans le monde. La décision est en grande partie budgétaire et financière. On s’aperçoit que pour avoir un bel et bon équipement, il faut mettre entre 120 et 150 millions d’euros. D’avantage que ce que peut consentir la Ville tous secteurs confondus en investissements ! Notre salle actuelle, à l’Italienne qui ne dépasse pas 900 ou 1000 bonnes places, ne concurrence pas Paris, ou Baden et ses stars. Avec Mulhouse et Colmar, nous sommes sur une autre échelle. Nous avons des productions ici, des co-productions européennes et des distributions intelligentes avec des gens reconnus dans la profession. Parfois les stars de demain. L’ensemble est intéressant. Ne pas en faire un nouveau n’est donc pas une déception.

Et pourquoi faut-il encore une étude, la troisième ?
Si nous prenons cette décision, c’est parce que nous rentrons dans une programmation technique de bâti, de faisabilité concrète. Cette étude sera longue, entre six et neufs mois pour une ouverture sur la saison 2016 / 2017. Nous voulons garder une salle à l’italienne sans trop diminuer le nombre de places. Notre limite est fixée à 900, pour ne pas altérer le financements et les rentrées, d’autant qu’on ne peut à l’opéra, compenser la jauge par le nombre de levers de rideaux car ce sont eux qui coutent ! À nous d’être innovants sur des choix techniques de sièges…

La fosse sera agrandit ?
Elle sera complètement modifiée car le gros problème est l’absence de séparation entre scène et public, la fosse étant à cette jonction. Pour un opéra de Mozart avec 40 musiciens ça va, mais dès qu’on joue un Strauss ou un Wagner, les musiciens se marchent dessus.

MAILLON
Pour rester dans le bâti, le futur théâtre du Maillon est prévu pour 2016. Sont sortis les chiffres de 15 millions alors qu’une enveloppe autour de 30 millions est évoquée par les spécialistes pour un tel édifice doté d’une petite et d’une grande salle ?
Nous ouvrons le dossier. Il fallait prendre la décision de faire un nouveau théâtre. Les sommes données sont à la louche et dépendent des besoins architecturaux et des moyens d’investissement de la Ville. On ne peut, à la fin d’un mandat, engager la mandature suivante sur de tels montants.

Le problème des locaux du Maillon n’est pas nouveau et vous auriez pu le programmer avant en n’attendant pas la cinquième année d’exercice…
Nous devions attendre le développement du Quartier d’affaires qui avait été prévu à l’Ouest de Strasbourg par l’équipe municipale précédente. La décision de le réimplanter au Wacken n’a été prise qu’en milieu de mandat. On sait bien que le bâtiment actuel du maillon est fatigué structurellement même s’il a un charme auquel nombreux sont attachés.

N’y a-t-il pas le danger de réduire les dimensions du plateau actuel qui est sans pareille, et donc de faire doublon avec ceux du TNS ou de l’Opéra ?
On peut faire grand pour pas cher. Il est question de faire quelque chose de fonctionnel avec l’idée de garder l’esprit du lieu actuel. On peut envisager de grands espaces, d’utiliser des gradins comme maintenant, ce qui réduit les coûts pour les réaffecter ailleurs. Les équipes du maillon sont associées à l’étude en cours. Quant à l’enveloppe, elle est pour l’instant une fourchette entre 15 et 20 millions d’euros. L’étude devrait nous en dire plus rapidement.

Vous revenez sur la subvention votée au Maillon avec une baisse de 100 000 euros, compromettant ainsi deux futurs spectacles. Michel Reinhardt, président du Maillon assure n’en avoir jamais été prévenu en CA, alors même que vous y siégez ainsi que Monsieur Aubert. Il s’étonne de vous voir ainsi « délaisser le contenu au profit d’un contenant »…
Ce n’est pas vrai, la chose a été évoquée au dernier conseil d’administration et c’est la seule fois depuis le début du mandat qu’ils m’ont vu me fâcher. La question est très simple. Les locaux actuels appartiennent à Strasbourg Événements. Jusqu’en 2011, Le Maillon payait un loyer de 100 000 € à Strasbourg Événements. La nouvelle convention avec eux en 2012 a permis d’enlever ce loyer. J’aurais été ravi que dans l’opération ils gardent et gagnent ces 100 000 €. Mais ce n’est pas possible. Le problème est que la ville n’augmente pas sa subvention de 100 000 € comme eux pouvaient l’espérer. Nous leur avions déjà laissé cette somme en 2012. La répercussion de la baisse n’a eu lieue qu’en 2013.

Mais ils ont d’autres charges liées à leur installation dans des algécos au Wacken, à leur déménagement d’Hautepierre leur coutant au moins 50 000 € ?
Les algécos ne leurs coûtent pas plus cher. Ils ont tout un tas d’arguments. Ils étaient avant à Hautepierre dans des bureaux tout en payant un loyer à Strasbourg Événements. Leur situation d’aujourd’hui est qu’ils sont regroupés au Wacken comme ils le demandaient, dans des algécos payés par la Ville. L’administration du Maillon argue de charges en plus, qui sont vraies mais comme les autres structures. Je conteste leur présentation d’une baisse de subvention avec laquelle je ne puis être d’accord.

Même si vous n’êtes pas d’accord, vous êtes tout de même revenus à hauteur de 100 000 € sur une subvention votée. Leur apprendre cela par courrier en janvier ne leur laisse pas le temps de s’organiser et menace donc l’équivalent de deux spectacles pour la saison prochaine…
C’est leur façon d’expliquer les choses mais ils ont gagnés aussi la possibilité de faire deux spectacles de plus en ne payant pas de loyer l’an passé.

MIGRATEURS
Avec le départ du Maillon de Hautepierre et de son Théâtre, l’idée avait été avancée d’y installer de manière pérenne Les Migrateurs avec le Pôle national des Arts du Cirque en lien avec Obernai. Or la tournure des négociations (et pour l’instant leur échec) autour de ce Pôle entraine la démission de Claude Véron, le président des Migrateurs, en guise de protestation. Que se passe-t-il ?
Le théâtre de Hautepierre est en régie municipale depuis le début du mandat. Donc géré par les services de la Ville. Les Migrateurs bénéficient d’un traitement exceptionnel puisqu’ils occupent les lieux à peu près à la hauteur des besoins qu’ils avaient exprimés. Ils ont les moyens de travailler. Les discussions ne sont pas tranchées sur deux sujets : à partir du moment où l’État, qui a longtemps été en retrait sur ce sujet, décide d’accorder ce label (Pôle national des Arts du cirque, ndlr), cela met la ville dans la situation de suivre cette hausse de subvention, d’autant que l’on croit fortement à ce projet. Le résultat en termes budgétaires est que Les Migrateurs sont la seule association culturelle à voir son budget augmenter cette année de 35 000 €, ce qui n’est pas rien. Ils considèrent que ce n’est pas assez, mais c’est ce qu’on peut faire et l’on ne peut augmenter tout le monde. La somme est significative par rapport à ce que donne l’État.
Deuxièmement, ils considèrent, vu leur occupation du Théâtre de Hautepierre, qu’ils ont légitimité à demander à gérer ce théâtre. De toute façon, ils seraient alors dans une Délégation de Service Public (DSP) et nous leur imposerions alors d’accueillir d’autres projets très intéressants. Les choses ne sont pas tranchées. Il ne me semble pas aberrant de leur laisser la gestion de Hautepierre. Mais il faut ouvrir cela à la concurrence et juridiquement blinder les choses. Cela prendra du temps. Sinon, on reste en gestion municipale avec une discussion pour améliorer leur sort et conserver les autres projets.

Qui sont ces autres que vous évoquez ? Les Percussions de Strasbourg, au bord du gouffre financier ?
Nous allons faire ce qu’il faut pour que les Percussions de Strasbourg ne meurent pas ! Même si la solution ne vient pas forcément de la Ville. Nous participeront à ce sauvetage, mais il faut que les autres collectivités aident aussi. En interne, il faut aussi que se modifie le fonctionnement administratif en interne mais aussi que le projet artistique évolue et se renouvelle. Le directeur musical vient de partir…

Quels sont les autres projets car ce théâtre a rouvert il y a deux ans. Le lieu est fourre-tout – les services de la Ville y programmant des choses directement, plaçant des résidences d’artistes et autres –, donne l’impression que vous y mettez ce dont vous ne savez pas quoi faire ? Vous n’avez pas réellement…
Nous avons évité quelques-unes des solutions mauvaises qui auraient pu y venir. La solution de facilité pour la ville aurait été de dire, une fois que l’équipement a été remis à flot, ouvrons une DSP et de le donner au projet le plus offrant.

Ou au plus intéressant ! C’aurait été bien aussi ?
Une DSP est un instrument très contraignant qui ne permet pas de refuser un projet qui se tient sous prétexte que vous en préférez un autre. Il fallait faire un cahier des charges bien ficelé pour que les dossiers s’y référent et ensuite faire un choix. Nous voulons y faire du culturel. On aurait surement eu à ce jeu des compagnies de production qui auraient fait un petit Zénith bis, produit des artistes dans ce lieu plus petit. Il y avait aussi un projet Migrateurs + Maillon + Percussions en début de mandat.

C’est bien eux qui occupent les lieux la majeure partie du temps…
Oui mais il aurait fallu qu’ils créent une société pour se regrouper et se répartir les choses. Je trouvais que ce projet n’était ni mûr ni fonctionnel. Ma conviction est que ce Théâtre de Hautepierre ne peut rester en régie municipale éternellement et qu’il faut que les choses se dessinent. Nous sommes sollicités par les Migrateurs, les Percussions – qui ont d’autres problèmes pour l’instant – qui ont créés des choses très bien mais en-dehors de Strasbourg d’où l’idée de leur donner ce lieu. Il y a aussi des festivals et des propositions ponctuelles. Le carnet est rapidement plein ! Ce lieu n’est pas vide mais pas non plus encore assez ouvert sur le quartier.

Vous ne semblez pas encore avoir trouvé ceux que vous aimeriez y installer. Pour preuve, Les Migrateurs qui devaient récupérer des locaux qui leurs étaient destinés en cas d’implantation à Hautepierre ont découverts qu’ils avaient été donnés aux restos du cœur ! Se retrouvant entre ici et leurs bureaux route de Colmar, dans la même situation que Le Maillon avant eux…
La décision ne vient pas de nous, c’est une conséquence du projet de rénovation urbaine du quartier. Nous aurions aimé garder le lieu du côté de la culture mais la médiathèque va partir pour être regroupée avec l’autre. Cet espace va donc être libre mais il est extrêmement convoité, vu sa localisation. Pour que les habitants y aillent, certains disent qu’il faudrait y faire un restaurant d’insertion, ce qui est une bonne idée. On peut penser que les gens allant dans ce restau pourraient aller dans la salle à proximité. Si on fait ça, la destination du lieu n’est plus uniquement culturelle.

Pour quoi penchez-vous ? Car au départ, le projet du Maillon était d’ouvrir un équipement culturel au cœur d’un quartier pour y créer un rayonnement culturel et amener ses habitants à de nouvelles pratiques et découvertes…
De ce point de vue, c’est un échec grandiose !

L’ambition est toujours là ?
Oui mais elle est double : s’ouvrir sur le quartier et y proposer des actions artistiques et une programmation cohérentes. Ne pas en faire un lieu au rabais sous prétexte qu’on est dans un quartier difficile. Cette identité n’a pas encore été trouvée. Voilà pourquoi les arts du cirque se sont retrouvés là avec Les Migrateurs dont nous avions soutenu un festival énorme en début de mandat qui s’est révélé être un four financier. Finalement, nos relations auraient pu être difficiles… Mais je trouve que leur travail est de qualité et le Cirque contemporain ne crée pas les barrières habituelles du théâtre ou de la danse. On y va plus facilement, avec moins d’appréhension.

D’autant qu’ils mènent un travail d’ateliers réguliers avec le public et les écoles mais aussi par le biais des Voix Off avec Le Maillon…
Un peu.

PÔLE DES ARTS URBAINS
Yan Gilg et sa Cie Mémoires Vives pourraient être intéressés par ce lieu. Lauréat du prix Michelle Bur, fin janvier, il faisait part de sa volonté de voir naitre un Pôle dédié aux Arts urbains…
Il y a deux ans, il m’avait remis un projet pour en faire un centre des arts urbains, ce qui n’est pas une mauvaise idée. Il y avait deux obstacles : nous discutions déjà avec Les Migrateurs et certains, dans l’entourage du Maire, pensaient que placer ce pan de la culture dans un quartier n’était pas une bonne idée. Mais rien n’est figé…

Le soutien de Mathieu Cahn joue-t-il un rôle ?
Il n’a en tout cas jamais soutenu à fond l’idée de mettre Yan Gilg à Hautepierre.

On prêtait aussi des vues à Yan Gilg sur le Hall des Chars. La démission, la semaine dernière, de Pierre Poudoulec et de 5 des 12 membres du CA (dont 3 membres du bureau sur 4), suite, là aussi, à des négociations houleuses sur le taux d’occupation de la Ville et les moyens d’installer un projet…
Je peux vous annoncer que nous signons la convention avec l’association Friche-Laiterie vendredi 8 février, et pas avec le Hall des Chars qui est un lieu qui appartient à la Ville. Il est normal que le Hall des Chars serve au projet pluridisciplinaire de la Friche-Laiterie mais nous avons besoin de garder partiellement le lieu pour d’autres initiatives. Et l’on part sur un décompte de l’utilisation par la Friche-Laiterie qui fait apparaître qu’elle n’utilise pas les lieux de manière permanente. Nous discutons avec l’association pour trouver un compromis.

Ces négociations ont été compliquées depuis septembre, date à laquelle aurait du être signée la convention – la Ville demandant à passer de 30 jours d’occupation par an à 200 !
La négociation est d’une simplicité archangélique. Nous discutions les chiffres. Il est normal de ne pas être d’accord au début. On se trouve avec Pierre Poudoulec qui fait monter les enchères, avec lequel on croit longtemps pouvoir négocier alors qu’il fait monter les enchères sur une stratégie de rupture, puisqu’il est parti !
Yves Aubert se rend à une assemblée générale, discute. Il revient en pensant que ça s’est bien passé. Le lendemain, Pierre Poudoulec dit qu’il n’est pas d’accord. C’est simple : soit les choses sont tranchées, soit on ne signe pas de convention et cela veut dire qu’on ne peut pas verser de subvention à la Friche-Laiterie. Personne n’a intérêt à ça.

On est à la limite de la pression financière : si vous ne signez pas, pas de subvention ! D’autant que la subvention a été baissée passant de 150 000 à 120 000 euros…
Comme au Maillon, la Ville baisse la subvention car elle prend désormais en charge le chauffage et toutes les charges. Donc du point de vue artistique, pas de baisse. Dans la discussion, la Firche-Laiterie nous pose une question très légitime qui n’a jamais été tranchée : « Vous ne voulez plus que nous apparaissions comme les propriétaires des lieux. Dans ce cas, on ne va pas continuer à payer les charges. » Comme nous voulions une mise à disposition conséquente des lieux, il est normal que nous payions les charges !

Sur quelles bases de répartition des lieux signez-vous alors ? 55% friche-Laiterie, 45% Ville, comme avant que Pierre Poudoulec ne claque la porte ?
Oui, sur ces bases-là. Nous nous accordons sur la fin des négociations avec Pierre. Le nombre de jour est un nombre pallier. Quand on dit 180, c’est un minimum. Ensuite on mettait en place un comité pour discuter des besoins au fil du temps.

Pourquoi refaire un appel à projets en juin (alors qu’avant les conventions étaient de deux ou trois ans) ce qui ne permet pas d’engager des projets sur la durée ?
Sauf que l’équipe de Pierre Poudoulec arrive dans les premières discussions en disant être élu pour an mais qu’ils vont proposer à leur CA des mandats plus longs justement pour installer un projet. Notre réflexe a été de cadrer la convention sur leur mandat pour ensuite revoir la convention, soit avec les même s’ils sont réélus, soit avec l’équipe d’après en cas d’alternance. Ce n’est pas idiot de ne pas signer des conventions qui lient les équipes qui viennent après ! Ça été perçu comme quelque chose de coercitif, nous sommes revenus dessus et l’avons nettement rallongé.

Entre ça et les comités de suivi tous les 2 mois, les incompréhensions se sont multipliées…
Je vais vous dire ce que j’en pense. L’incompréhension vient du fait que pendant longtemps ce lieu a été laissé à l’abandon, il ne s’y passait rien. Ensuite on était très contents de voir des gens qui avaient plein de projets. Ce n’est pas Pierre Poudoulec mais l’équipe d’avant.

Il en faisait déjà partie…
Oui. Sauf que l’effet collatéral a été de dire : puisque nous remettons en marche le lieu, on en est propriétaire. Mais juridiquement et du point de vue de la politique culturelle de la ville, nous ne pouvons l’accepter. On ne peut donner des locaux comme cela, sans convention, DSP… Ensuite, du point de vue artistique, nous pensons qu’il n’y a pas que les projets artistiques de la Friche-Laiterie qui peuvent trouver place au Hall des Chars. D’ailleurs il y en a d’autres, des dates préemptées par d’autres acteurs. Revoir cela avec de nouvelles équipes était bien, d’autant qu’on avait confiance en elles.

Justement, n’y a-t-il pas un gros gâchis sur ce dossier alors même qu’on n’a jamais vu autant d’activités et une programmation si intéressante au Hall des Chars que depuis six mois ? Une organisation et une lisibilité nouvelles qui capote avec vous…
Pourquoi cela serait incompatible avec la mise noir sur blanc des éléments d’une convention ?

Une partie de l’équipe n’a pas réussie à se mettre d’accord avec vous !
Mais Pierre Poudoulec voulait tout ! On ne pouvait pas tout lui donner…

Que voulait-il que vous ne vouliez lui donner ?
Il ne voulait pas qu’on fixe un minima au-delà duquel la ville pouvait des choses qui n’étaient pas dans son projet.

Ayant d’autres lieux comme le Théâtre de Hautepierre, vous aviez nécessairement besoin du Hall des chars pour cela ?
Évidemment. Le théâtre d’impro n’est pas organisé par la Friche-Laiterie, nous voulions organiser des formations… des tas de choses sont discutables et nous avons de telles demandes de compagnies, d’artistes et autres que nous ne pouvons nous permettre de paralyser ce lieu ! Avant les disponibilités étaient plus grandes. Que les chiffres de départ n’aient pas convenu, je le comprends. Au début ça se passait très bien. Quand au comité de suivi, il existe pour tous les organismes associatifs avec lesquels la Ville a une convention. Il n’est question que de faire le point, pas d’emmerder les gens. Puisque nous partions sur un minimum de jours, il faut que nous nous voyions pour adapter en fonction des besoins. Je prends très mal leur blocage là-dessus car je suis de ceux qui ont dit tout le mandat que le politique n’a pas à se mêler de la programmation des institutions culturelles.

Pourtant, les services de la culture de la Ville jouent le rôle d’opérateur direct à Hautepierre et, en partie, au Hall des Chars ?
Ce sont à chaque fois des porteurs de projets et pas nous directement ! Nous ne produisons pas de spectacles…

Pas de production mais vous les choisissez et donc, jouez le rôle d’un programmateur ?
Ce n’est qu’une façon de raconter les choses. Nous satisfaisons des demandes dont nous sommes abreuvées par des associations, des compagnies de théâtre, des ensembles de musique…
La Friche-Laiterie a à faire preuve de sa cohérence artistique et il est normal qu’elle refuse certains projets. Leur ligne est importante. Mais nous ne faisons pas de programmation directe.

EUROPHONIES / VILLAGE CULTUREL
À côté de la baisse de subvention de la Friche-Laiterie, on a vu de nouveaux événements être bien dotés : Les Europhonies pour 270 000 €, Strasbourg mon amour pour 118 000 €. C’est le choix de l’animation plutôt que de la culture ?
Le budget de la culture n’entre pour rien dans Strasbourg mon amour. Pas un centime. Le budget des Europhonies inclut le village culturel. Donc ce ne sont pas 270 000 € en plus.

Un village rapatrié à l’Aubette auquel il n’y a eu, du fait de sa localisation, personne.
Je vous accorde que ce n’était pas une bonne solution. Il y a un raté de ce point de vue sur lequel nous allons revenir. Mais nous n’avons pas trouvé 270 000 euros pour les Europhonies.

Mettre le Village culturel à l’Aubette le temps d’un week-end ne doit pas coûter plus de 30 000 €. Les Europhonies pour 240 000 euros alors ?
Je n’ai pas les chiffres en tête. Tout le monde dit que c’est une parade, donc de l’animation. Mais ce qui m’intéresse dans Les Europhonies c’est le travail de six mois avant la parade qui se fait avec des compagnies professionnelles et des amateurs, un véritable travail de quartier. Ça donne un résultat.

Cela fait penser à la grande parade de la Biennale de la Danse de Lyon, avec des amateurs encadrés par des compagnies professionnelles. Mais ce qu’on peut reprocher aux Europhonies c’est que ce n’est lié et ne repose sur aucun événement culturel…
Mais ce n’est pas qu’une après-midi, c’est un long travail notamment sur l’interculturalité qui sera le thème de cette année. Cela permet de mettre en avant des choix de politique culturelle en dehors du paysage institutionnel, qui est passionnant à Strasbourg, mais très plein. En termes de bilan : j’ai trouvé la parade tout à fait réussie mais ce qui se passait à l’Aubette était raté. On va revenir dessus mais le faire à l’Aubette coûte beaucoup moins cher qu’ailleurs. Place Kléber il faut l’exclure, même place Broglie… Il faut voir ce qui est possible. Notre situation est celle d’un budget culture qui n’a pas bougé depuis le début de mandat. C’était clair, Roland Ries l’avait annoncé et nous sommes une des rares collectivités publiques à le maintenir. À budget constant, tout coûte plus cher !

Que répondez-vous à ceux vous reprochant, comme Robert Grossmann, de saupoudrer à tout va et une absence notable de choix…
Robert Grossmann a fait pareil pendant 7 ans ! Il y a deux possibilités : soit on a une conception autoritaire de la politique. On est élu avec un programme en disant ce qui nous intéresse et en sucrant le reste. Ce n’est pas la base sur laquelle nous avons été élus. Nous sommes bien plus respectueux du paysage culturel local. Peu de villes de 280 000 habitants ont cette offre culturelle là ! Au nom de quoi vais-je trancher dedans ?
La seconde possibilité est populiste : on me dit que des choses coûtent très cher comme le Philharmonique, les Musées… On peut prendre dans leur budget pour donner aux petites associations. C’est un point où l’on est clair : Il faut enlever le gras des grosses maisons mais pas les affaiblir car la vie culturelle repose sur eux. L’équation est simple : nous avons stabilisé les subventions des institutions en régie. Certaines ont même un peu baissé pour pouvoir donner un peu d’argent aux initiatives émergeantes. Le bilan n’est pas spectaculaire mais je le revendique !

PÔLE ARTS NUMÉRIQUES
Que s’est-il réellement passé avec Dimitri Konstantinidis qui avait été annoncé comme à sa tête avant que vous ne fassiez machine arrière ?
La destination du lieu n’a pas été bien décrite, pas décrite du tout d’ailleurs. Dimitri était sur les rangs. On lui a dit d’accord mais pas tout seul car on ne veut pas faire une institution culturelle en déménageant une existante. Nous voulions que ce lieu autour duquel il va y avoir des entreprises créatives, résonne avec elles. Dimitri est allé voir Alsace Digitale, Rhizom, La Ville est un théâtre. Ils montent un projet intéressant sur lequel nous discutons car on est tiraillé entre notre désir de quelque chose d’innovant et leur proposition qui ne l’est qu’à moitié, l’autre était assez classique. On discute aussi les questions de budget. L’association explose en vol et toute une nouvelle réflexion se met en marche. L’idée qu’on ne veut pas simplement localiser Apollonia prend le dessus. On voudrait que cette institution culturelle soit la vitrine de ce qui est innovant en ce moment à l’intersection de la culture, de l’art et du numérique. On a des tas d’interlocuteurs là-dessus : Ososphère, Rhizom, les producteurs qui sont dans le domaine du visuel mais qui s’intéressent de plus en plus au numérique et tous les artistes et plasticiens également. On en a du coté du Conservatoire et de la HEAR qui travaillent le son et l’art. Mais la forme n’est pas encore définie. Alsace Digitale a expliqué qu’il y aurait aussi des espaces de co-working dans le lieu de 2 000m2. Notre idée est donc de privilégier la création numérique, tout domaines confondus. Il n’y aura pas de vrai lieu d’expo avec des cimaises pérennes. C’est un lieu de création, de rencontres et de restitution.

Il y aura une DSP ?
Pour l’instant ce sera une régie, on verra ensuite ce qui se passe.

Quelle est la date d’ouverture ?
2014. En 2013, on aimerait faire des préfigurations.

COOP / OSOSPHÈRE
Thierry Danet a émis l’idée de pérenniser Ososphère sur le site de la COOP comme lors de la dernière édition. L’idée fait son chemin ?
Moi je suis à fond pour. Je trouve que c’est une très bonne idée qui pourrait être LE gros chantier du prochain mandat. Il faut l’adapter pour qu’il se prête aux expos mais aussi faire une ou deux salles de musiques actuelles. Mais entre l’idée et le projet, il y a encore toute la question du budget ! Le lieu est bien, sur l’axe qui se développe entre Strasbourg et l’Allemagne.

À vous entendre, vous repartiriez pour un prochain mandat ?
Je prendrai position lorsque les choses seront décantées.

Après les Assises de la Culture du début de mandat, de nouvelles consultations sous forme de quatre ateliers du spectacle vivant sont en cours ? Êtes-vous à ce point en recherche de légitimation de votre action ?
C’est l’inverse, nous n’avons rien à légitimer. Les choses sont de plus en plus difficiles pour les compagnies de danse et de théâtre, la Drac est de moins en moins présente. Beaucoup vont rester sur le carreau si on ne répond pas présent. C’est plus de l’ordre de la démocratie locale que de la culture et ce n’est pas un hasard si c’est Herrmann qui les a ouverts. Le jour de la restitution, c’est lui qui sera en première ligne. On aimerait arriver à un plan d’action.

Lesquelles ?
Un plan d’action sur le conventionnement, les critères des subventions qui ne sont pas aussi balisées que celles de la Région ou du Département.

PÔLE IMAGE, ART, ÉDITION
Central Vapeur, le Grill, Accélérateur de particules, Éditions 2024 se sont installés à La Rotonde. Volonté de soutien de la ville, de valoriser le vivier d’illustrateurs et le secteur ?
C’est une des branches très actives et valorisantes du secteur culturel de Strasbourg et on les soutient le plus que l’on peut faire. D’ailleurs on n’est pas les seuls. Le conseil livre de la Drac en fait une priorité. C’est une carte à jouer pour Strasbourg.

Allez-vous la jouer car pour l’instant ils se débrouillent tout seul…
C’est bien qu’ils le fassent tout seul. Il ne faut pas trop vouloir institutionnaliser, c’est très bien qu’ils restent sous la forme associative.

Mais ils ont besoins de lieu d’exposition, de valorisation de leur travail, chose qui avait émergé des Assises de la Culture. Ce ne sera ni à Seegmuller ni à l’Ancienne Douane…
Quand la HEAR décide de revoir sa politique d’expo de La Chaufferie pour qu’elle invite moins de personnes extérieures mais valorise plus les travaux internes, je trouve que ça va dans ce sens là. On peut penser à d’autres lieu comme ici la Salle Conrad, ou l’Aubette pour un gros projet.

Le grand festival de début de saison voulu par le Maire pour faire rayonner Strasbourg est enterré ?
Oui, l’idée était plus de faire converger les événements se déroulant en septembre mais en s’appuyant sur l’existant. Je ne comprenais pas la volonté de faire venir quelque chose de spectaculaire de l’extérieur alors qu’on est si riche déjà en événements. J’y allais à reculons dans la réflexion sur ce grand événement. On ne décide d’ailleurs pas comme ça de faire le festival d’Avignon, on met 20 ou 30 ans. Il aurait fallu y mettre un million et demi d’euros aussi ! Autant d’argent pas investi auprès du tissu local. Le début de saison est donc musical avec Musica et Les Europhonies qui sont les têtes de pont du lancement de la saison.

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