En flagrant délire

© Éric Didym

Décapante et implacable, la plume de Pierre Desproges apparaît plus actuelle et salvatrice que jamais. Dans Savoir-vivre, Michel Didym et Catherine Matisse se régalent à porter la parole irrévérencieuse et sarcastique de l’irremplaçable roi de l’humour noir.

Qui n’a pas en tête des extraits savoureux de certains sketches, du Petit rapporteur ou de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède ? Michel Didym, lui, ne regardait pas la télé quand il était ado. C’est en librairie qu’il a découvert Pierre Desproges. « J’ai alors aimé furieusement, au-delà de l’homme, de l’acteur, du bouffon tragique : l’auteur. L’interprète fulgurant totalement atypique qu’était Pierre Desproges a fait oublier qu’il était aussi un grand dramaturge. Parce qu’il n’est pas seulement un auteur comique, mais aussi quelqu’un qui, dans la langue, s’inscrit dans une tradition française de qualité littéraire et aussi – un mélange qui le caractérise – de blagues en-dessous de la ceinture. Il conclut de grandes envolées magnifiques et lyriques par des retombées potaches. C’est un mix de Proust pour l’ampleur de sa prose, de Jarry et de Vialatte pour l’humour corrosif. Voilà la filiation qu’on pourrait établir », estime le directeur de La Manufacture de Nancy.

Après avoir mis en scène Les Animaux ne savent pas qu’ils vont mourir (2003) et Chroniques de la haine ordinaire (2011), Michel Didym conclut son triptyque desprogien avec Savoir-vivre, tricotage de textes issus d’interviews (notamment de Françoise Sagan) et de différents recueils, dont l’inénarrable Manuel du savoir-vivre à l’usage des rustres et des malpolis. Avec la complicité d’Hélène Desproges, l’épouse de Pierre, le metteur en scène a aussi pu dénicher des inédits écrits pour un ultime spectacle qui n’eut pas lieu. Malin, Michel Didym a choisi de former un duo avec une comédienne, Catherine Matisse, pour « modifier l’écoute » et rendre la distance comique plus évidente. Car Desproges s’interrogeait souvent : la femme a-t-elle une âme ? Il se vantait aussi d’apporter tous les matins le café au lit à sa femme. « Elle n’a plus qu’à le moudre », concluait-il. Savoir-vivre, c’est donc l’histoire d’un couple, traversé par des dizaines de personnages, de la Création du monde à l’Apocalypse, via une station-service de Mâcon. C’est surtout un hommage à celui qui savait comme personne disséquer les fragilités humaines et « mettre en route une conscience », qui n’avait peur de rien et osait rire de tout, en particulier de la bien-pensance et du politiquement correct. « Bien plus que le costume trois pièces ou la pince à vélo, c’est la pratique de la torture qui permet de distinguer à coup sûr l’homme de la bête.

À Nancy, à La Manufacture, samedi 27 et dimanche 28 septembre

+ 33 (0)3 83 37 42 42 www.theatre-manufacture.fr

À Colmar, à la Comédie de l’Est, mardi 14 et mercredi 15 octobre

+ 33 (0)3 89 24 31 78 – www.comedie-est.com

À Florange, à La Passerelle, vendredi 7 novembre

+ 33 (0)3 82 59 17 99 – www.passerelle-florange.fr

 

vous pourriez aussi aimer