Ecce homo

Photo d’Yvon Buchmann (Force et puissance, 2014)

Le photographe Yvon Buchmann expose ses images fortement contrastées montrant à Mulhouse Un Monde habité par des hommes vivant aux marges de la société.

Compositions géométriques, cadrages précis, lignes de fuite… Ses images rééquilibrent un monde qui semble s’écrouler sous nos pieds, voire partir en fumée. Yvon Buchmann va par le monde, contraint par sa chaise roulante, mais se sentant libre comme l’air, lorsqu’il est interpelé par un paysage et attend, « parfois en vain, qu’il se passe quelque chose ». Il zoome sur des coins éloignés du monde (en Afrique) où davantage proches de lui (Le Holzpark, terrain vague bâlois) et immortalise un homme faisant un Rêve d’ailleurs face à la mer ou deux petits vieux Enracinés attendant leur tour, alors que le vent se lève. « Mon principal sujet, c’est la fuite du temps, notre angoisse à tous », explique le photographe sexagénaire, hanté par l’inexorable mouvement des aiguilles de l’horloge, comme celle de Trop tard ? montrant un jeune, à quai, alors que file le train se confondant aux nuages flous et blanchâtres du ciel. Quand on le questionne sur son utilisation exclusive du noir & blanc, le photographe haut-rhinois répond avec courtoisie par une liste de noms qui ont marqué sa rétine depuis ses vingt ans et pour toujours, ceux qu’il nomme « les grands maîtres d’après-guerre : Robert Doisneau, Henri Cartier-Bresson, Brassaï, Willy Ronis. Je suis passionné par ces artistes qui m’ont percuté avec leurs photographies de simples gens, pas forcément heureux, dans leur contexte. » Le “héros” de Force et puissance est un Sénégalais qui charge une barque de sel qu’il a récupéré en brisant une croûte au fond du Lac rose. Régulièrement, Yvon Buchmann laisse traîner son objectif chez les laissés pour compte, dans les périphéries et les cités délabrées parmi Roms ou ferrailleurs. « Petit, les gitans, bateliers ou bohémiens me faisaient rêver : ils n’avaient pas besoin d’aller à l’école [rires], ils étaient libres ! Aujourd’hui, ces gens-là m’ont adopté, sans doute aussi “grâce” à mon fauteuil roulant qui me frustre, bien sûr, mais me donne une forme d’immunité. » Vues à travers l’objectif d’Yvon Buchmann, les personnes habitent le monde avec humilité et dignité… reflétant le regard tendre que le photographe pose sur l’Humanité.


Au Musée des Beaux-Arts de 
Mulhouse, jusqu’au 22 septembre
musees-mulhouse.fr

 

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