Dreamcatcher

Maquette du décor signée Philippine Ordinaire

Entre épopée onirique et fable initiatique, l’Opéra national de Lorraine propose la première française de Görge le rêveur de Zemlinsky.

Post-romantique et expressionniste, Alexander von Zemlinsky (1871-1942) est le digne héritier de Gustav Mahler et de Richard Strauss. Emblématique des circonvolutions esthétiques d’avant 1914, son œuvre est en cour à l’Opéra national de Lorraine où ont été montés, ces dernières années, Une Tragédie florentine, Le Roi Candaule et Le Nain. Ouvrant la saison 2020 / 2021 dont une des ambitions est de « présenter une géographie des chemins de la musique au XXe siècle » explique le directeur général de la maison Matthieu Dussouillez, Görge le rêveur est sans conteste sa réalisation la plus mystérieuse. « En ce moment, je réfléchis à un nouvel opéra (…). En bref, le pauvre [Görge], jeune idéaliste, passionné, rêveur, brûle du désir d’aimer mais vit sa vie minuscule et sans amour. Il n’est pas seulement incompris des femmes : il vit avec ses rêves, incompris du monde entier tant il est différent de ses contemporains », écrit le compositeur en 1902, dans une lettre adressée à son ami Schönberg. Commandée par Mahler la partition est achevée en 1906, mais ne sera jamais créée car ce dernier avait quitté la direction de l’Opéra de Vienne entretemps. Belle au bois dormant, cette œuvre inspirée de poèmes de Heine et du conte de Richard von Volkmann-Leander Le Royaume invisible est redécouverte en 1980.

Fable initiatique, Görge le rêveur oscille ; entre songe heureux et cauchemar, échappées oniriques et brutale réalité, désir de nature et corset de la civilisation. Telle est l’épopée d’un orphelin à l’imagination débordante qui, cherchant sa charmante princesse, croise sorcière et révolutionnaires. Le metteur en scène Laurent Delvert a choisi de prendre pour pivot la période où le compositeur a installé l’action, le début du XIXe siècle avec ses références aux guerres napoléoniennes, souhaitant un spectacle « qui traverse le temps, à l’image de Görge qui traverse le monde ». Il rajoute : « Non pas nommer une époque mais donner à voir les scories et les cicatrices du temps. Un peu à la manière d’un Claudel qui, dans L’Annonce faite à Marie, reconstitue un Moyen-Âge rêvé. Avec mon équipe artistique, nous avons travaillé à la limite du réalisme et du fantastique. Nous nous sommes employés à effacer, à épurer, à instiller le doute, à la manière de ces légendes où l’on croit apercevoir des trésors au pied des arcs-en-ciel. Du moulin cité dans le livret, nous n’avons gardé qu’un champ de blé vaste, immense, infini, intemporel, hanté par d’étranges apparitions, qui ondule au gré du vent entre fantasmes et réalité. »


À l’Opéra national de Lorraine (Nancy), du 30 septembre au 6 octobre
opera-national-lorraine.fr

À l’Opéra de Dijon, du 16 au 20 octobre
opera-dijon.fr

L’Opéra de Francfort propose une autre mise en scène de l’opéra signée Tilmann Köhler (22/11-31/01)
oper-frankfurt.de

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