Découverte des Créatrices et Créateurs et leurs œuvres au Museum der Kulturen
Qui se cache derrière les objets exposés au Museum der Kulturen ? Créatrices et Créateurs et leurs œuvres tente de répondre à cette question !
Des milliers de plumes d’ibis rouge, patiemment assemblées avec des fibres naturelles par des mains anonymes au XVIe ou au XVIIe siècle, composent un ondoyant manteau destiné aux cérémonies des Tupinambá, tribus d’Amazonie autrefois redoutées pour leur cannibalisme. Onze de ces fragiles parures ont survécu jusqu’à nos jours. Pour rendre hommage à leurs créateurs inconnus, l’artiste et activiste Glicéria Tupinambá en a fabriqué une nouvelle, qui fut présentée à la Biennale de Venise en 2024, afin de dénoncer l’extermination des peuples autochtones consécutive à la découverte du Brésil par Pedro Álvares Cabral, en 1500. Entre photographies anciennes et vidéo signée Fernanda Liberti – où « l’artiviste », vue de haut, danse de manière hypnotique avec une telle cape –, se manifeste une quête des origines qui sous-tend tout le parcours, fait de près de 300 pièces. Qui a tissé, fabriqué, forgé, découpé, cousu ou dessiné tel ou tel objet ? Le sait-on, même ?

Extrêmement dense, cette exposition permet, par exemple, de découvrir la famille d’Augusto Kuiru, qui a régulièrement accueilli l’ethnologue Jürg Gasché depuis la fin des années 1960 lors de ses séjours de recherche chez les Murui, en Colombie. Ils fabriquèrent de nombreux objets pour lui, afin que les musées puissent témoigner de leur mode de vie montrant la place des communautés indigènes (et la nécessité de traiter avec elles sur un pied d’égalité) dans la recherche : de la flûte-appât pour tapir à l’incroyable poutre de danse destinée au cycle du Yadiko – rituel où sont remerciés humains, animaux, plantes et autres êtres permettant de renouveler les relations vitales entre les différentes formes d’existence –, des dizaines d’artefacts sont présentés. On aime aussi beaucoup les tableaux de la coopérative Tingatinga, en Tanzanie, composant un courant artistique « naïf » où les animaux possèdent une place centrale, à l’image du génial village peint par John Kilaka… Bien souvent cependant, les noms et les biographies des créateurs demeurent inconnus. Une immense tenture « qalamkari » iranienne tissée dans un atelier communautaire autour de 1900, les marionnettes javanaises de Ki Catur Kuncoro – entre motifs traditionnels et représentation de… Lady Gaga – ou encore une série de cuillères des années 1880, venues du Cameroun : si les objets sont fascinants, les mondes qu’ils évoquent le sont tout autant. Ils nous questionnent par ricochet sur les conditions de production des biens de consommation contemporains.
Au Museum der Kulturen (Bâle), jusqu’au 25 janvier 2026
mkb.ch