Croire ou ne pas croire…

© Camille Graule

Seule en scène, Sophie Engel se demande Qui croire, interprétant un texte traversé de multiples voix écrit et mis en scène pour elle par Guillaume Poix.

Un désir de « travailler sur la religion et de questionner le rapport le plus intime à la foi. Qu’est-ce qui nous donne envie de croire en quelque chose qui nous dépasse ? D’où vient le désir de transcendance ? », résume Sophie Engel pour décrire le point de départ de Qui croire, ample monologue signé Guillaume Poix narrant l’histoire d’une femme menant une enquête sur les mystiques, du Moyen-Âge à nos jours, « des figures sacrificielles qui ont une connexion directe à Jésus ou a Dieu, ont des visions ou présentent des stigmates. » Sur le texte, plane l’ombre de deux figures essentielles, celle de Marthe Robin (1902-1981) et d’Alexandrina de Balazar (1904-1955), deux mystiques catholiques. En se promenant sur Internet, le personnage découvre la « possible explication médicale, régulièrement avancée par des scientifiques ». Pour le psychiatre Jean Lhermitte, de tels phénomènes, et en particulier l’inédie (c’est-à-dire l’abstention totale de nourriture et de boisson pendant de longues périodes) de Marthe Robin, sont ainsi « des accidents de nature névrosique ou mieux psychonévrosique à caractère hystérique. » Au fil de sa quête, elle se demande si ces manifestations surnaturelles sont susceptibles d’accréditer l’existence de Dieu ou si elles témoignent au contraire d’un profond désordre intérieur. La voix de Sophie Engel se transforme en direct – grâce à un travail de création sonore signé Guillaume Vesin –, se fait naïve, inquiétante, rationnelle ou exaltée, au fur et à mesure des épisodes nous entrainant dans l’Histoire, rappelant, par exemple, l’illumination reçue par Paul Claudel, le 25 décembre 1886 à Notre-Dame de Paris. Se découvrent ainsi « les différentes voix qui coexistent en chacun de nous ». Au fil de ses pérégrinations, « la narratrice se persuade que la condition des mystiques serait en partie déterminée par la condition socio-historique des femmes en Europe à l’ère industrielle et capitaliste », résume Guillaume Poix. Et si l’avatar contemporain de Dieu était le travesti Delores Kane prétendant être la réincarnation de Jésus ? Mais finalement que cherche notre héroïne ? Qui va-t-elle rencontrer, si ce n’est elle-même ? Et l’auteur de poursuivre : « Nous enquêtons sur les ressorts de la croyance : qu’est-ce qui nous pousse à croire en quelque chose, en quelqu’un, en Dieu ? Qu’est-ce qui, au fond, rend crédible une fiction ? » Dans cette mise en abyme, le spectateur est ainsi renvoyé à une réflexion sur ce qui se joue au théâtre…


À la Comédie de Reims, du 9 au 18 mai

lacomediedereims.fr

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