Cours d’histoire à travers Nosztalgia Express

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Entre roman d’espionnage et comédie musicale, le Nosztalgia Express de Marc Lainé est un kaléidoscope d’esthétiques tissant petite et grande histoire.

Paris, 1989. Il a quitté le métier depuis des années mais trente-trois ans après les faits, cette enquête non résolue l’obsède toujours. Victor Zellinger, détective à la retraite, convoque ses souvenirs pour revenir sur l’échec de sa carrière : l’affaire Simone Valentin. Le 4 novembre 1956, Daniel Valentin, dix ans, quitte la capitale pour Strasbourg avec sa mère Simone. Après une discussion étrange avec un inconnu, la jeune femme abandonne soudainement son fils en gare de Reims. C’est la dernière fois que le garçonnet verra sa mère. Onze ans plus tard, Daniel est devenu Danny Valentin, chanteur à minettes, toxicomane sur le déclin. Reclus dans son studio d’enregistrement, le voilà pris en étau entre sa choriste Daphné Monrose et Hervé Marconi, son impresario anxieux. La première l’incite à entretenir sa notoriété, le second à « enfin pondre une nouvelle chanson. » Acculé, il tente de mettre fin à ses jours. Pour le sortir de l’impasse, Hervé a un plan : « On retrouve la mère, on efface le traumatisme, on relance la carrière. Imagine la couverture de Paris Match ! » Mais l’enquête s’enlise et Victor Zellinger jette l’éponge. Le trio lui emboîte le pas, direction Budapest où Simone aurait été aperçue pour la dernière fois en novembre 1956, en pleine insurrection populaire contre le communisme. 

 

Après avoir abordé l’impact de l’abandon parental dans La chambre désaccordée (2018), Marc Lainé se plonge dans les origines de l’acte en suivant un orphelin à la poursuite du passé. « C’est un sujet phare de la littérature mais il disparaît généralement de l’intrigue », analyse le metteur en scène. « Le placer au coeur de la pièce permet d’aller au-delà du tabou. » La révolution menée en 1956 par Imre Nagy contre l’URSS, fugace bulle d’espoir populaire, fait écho à l’attente de Danny lorsqu’il débarque sur les rives du Danube. Sa quête existentielle offre à Marc Lainé une nouvelle variation sur le thème du voyage comme catalyseur d’un cheminement intérieur, dans le sillage d’un répertoire axé sur la psychologie des personnages. Nosztalgia Express y ajoute un mélange des genres quasiment baroque, laissant le rire surgir de scènes bouleversantes et sensibles. Un choix esthétique qui, s’il peut sembler curieux, épouse la complexité de la psyché humaine, à rebours du manichéisme de la tragédie théâtrale classique. Archétypaux au lever de rideau, les protagonistes gagnent en épaisseur, servis par une partition musicale sur-mesure. Chacun interprète un solo autour d’un événement marquant de son histoire personnelle, se dévoilant au public et à lui-même. « Le chant instaure une distance, peut-être une forme de pudeur », confie le directeur de la Comédie de Valence. « Il permet en tout cas d’exprimer autrement les émotions. »


À la Filature (Mulhouse) mardi 7 et mercredi 8 juin
lafilature.org

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