Champagne mesdemoiselles

Photo de Pierre Grosbois

Avec Féminines, Pauline Bureau revient sur la première victoire française aux mondiaux de foot, celle de l’équipe féminine amatrice de Reims.

Lorsqu’en 1968 Pierre Geoffroy, journaliste sportif à L’Union, organise un match de football féminin pour la kermesse annuelle de Reims, il n’envisage pas que l’équipe formée représentera la France dix ans plus tard, lors de la première compétition mondiale et la remportera à Taiwan. Après le film Comme des garçons de Julien Hallard en 2018, cette odyssée est transposée par Pauline Bureau* en un spectacle plus comique que ses précédentes créations. Déterminisme social, émancipations multiples, elle partage le parcours de ces femmes aux rangs sociaux divers, allant de la lycéenne à la mère au foyer, qui ont créé, pris et défendu une place qui semblait impensable. Fruit d’un théâtre documenté, Féminines ponctue les événements sportifs de moments personnels inventés. Débutant dans une usine, la pièce expose les conditions de travail contraignantes et inéquitables auxquelles font face une partie des joueuses, qu’elles fuient sur le terrain. La scénographie illustre cette opposition entre vie privée contraignante et évasion offerte par le football.

Photo de Simon Gosselin

Des plateaux coulissants permettent de passer très rapidement d’un décor à un autre, ouverts pendant les temps d’échange dans les vestiaires et cloisonnés lorsque les actrices retrouvent leurs usines ou domiciles. À l’aide d’un écran installé sur le fond de scène, ce qui se passe sur et hors terrain est disjoint. Les barrières tombent au fur et à mesure de l’évolution des joueuses, jusqu’à ce que le « football existe en vrai, par le cinéma », grâce aux projections de matchs tournés avec deux équipes professionnelles. Ces vidéos, appuyées par les récits euphoriques des comédiennes, transforment parfois le théâtre en salle de cinéma avec une bande sonore liant passé et présent, de Gossip à Beyoncé. À travers ce décor éveillé, toute la phase allant de la fondation du club à sa victoire en 1978 est couverte, des périodes de doute aux étapes d’affranchissements. Afin d’appuyer cet aspect, trois acteurs interprètent les sceptiques entourages familiaux et professionnels des joueuses, qui se sont appropriées un terrain initialement hostile afin de « faire bouger les lignes », peu de temps après mai 68 et les lois Neuwirth et Veil. Pour celle qui voit beaucoup de similitude entre le foot et le théâtre, qui « repose sur un travail d’équipe », sa pièce montre un corps « puissant et actif » n’allant généralement pas de pair avec la femme.

Photo de Pierre Grosbois

Au Théâtre de la Ville (Paris), jusqu’au 7 décembre
theatredelaville-paris.com

Au Théâtre Dijon Bourgogne, du 16 au 20 décembre
tdb-cdn.com

Au Granit (Belfort), mardi 14 et mercredi 15 janvier 2020
legranit.org

À La Filature (Mulhouse), mercredi 18 et jeudi 19 mars 2020
lafilature.org

Au Théâtre de Thionville, mardi 31 mars 2020
nest-theatre.fr

* Voir notre article sur Dormir Cent ans dans Poly n°214 ou sur poly.fr

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