Au TNS, le Groupe 48 et Noëmie Ksicova signent Une ville
Les élèves du Groupe 48 de l’École du TnS et la metteuse en scène Noëmie Ksicova montent Une ville, étrange histoire d’un cirque réveillant le chaos en s’installant dans une cité.
Inspirée par La Mélancolie de la résistance, roman publié en 1989 par l’auteur hongrois László Krasznahorkai, Noëmie Ksicova conte le récit d’un cirque itinérant arrivant dans une ville inconnue, « charriant avec lui une charogne de baleine et un Prince qui haranguerait les foules et qui, par sa simple voix, serait capable de les pousser à détruire… signes annonciateurs de l’apocalypse. » Avec le Groupe 48, la metteuse en scène transpose une fiction née dans une époque marquée par le totalitarisme et la chute du Mur de Berlin, essayant « d’être la plus intemporelle possible ». Dans cette dystopie – réalisée en un temps record : six semaines ! –, elle soulève la question du chaos comme étant l’un des états naturels de l’Homme. « Comment penser les échecs qui nous précèdent ? Comment ne pas tomber dans un monde autoritaire et ne pas s’autodétruire ? », ajoute- t-elle. « En trente-six heures, la vie des habitants bascule. D’un coup, ils cohabitent dans la peur, car le fameux Prince, dont l’existence n’est pourtant qu’une rumeur, envoûte les gens perdus. »
Du début jusqu’à la fin, le spectateur suit l’évolution des événements à travers le regard de Janos, postier naïf, mais extrêmement curieux du monde qui l’entoure. Au cours des premières minutes, il accueille sa mère, de retour après trois ans d’absence et qui découvre un endroit glacial, sans lumière. « Son arrivée en train est figurée à travers des écrans et de la vidéo », reprend Noëmie Ksicova. Les treize élèves de la section Jeu campent plus d’une vingtaine de personnages, tous issus du livre… sauf une poignée. « Nous en avons inventé quelques-uns, notamment un citoyen qui va se laisser happer par les discours du Prince, complètement aveuglé. Il nous semblait important de voir quelqu’un changer, montrer que tout le monde peut se retrouver hypnotisé par une parole », ajoute- t-elle. Pour rendre compte de cet environnement ténébreux, le plateau est scindé en deux univers : l’un, chargé et sombre, représente la place du cirque dans un jeu de clair-obscur matérialisant les bâtiments, pas totalement construits, dans un style brutaliste. Les espaces intérieurs, eux, sont évoqués au moyen de la vidéo. « Ils sont pensés en contrepoint, colorés, lumineux, comme une sorte de refuge », précise la metteuse en scène. « On y reconnait un bureau de poste, la réception d’un hôtel, l’appartement des protagonistes… » Afin de brouiller encore plus les repères, les interprètes portent des costumes qui, à première vue, paraissent entièrement réalistes et concrets, mais qui, en y regardant de plus près, présentent toutefois des coupes spéciales, décalées, avec des détails bizarres… Les torpeurs de la bourgade bénéficient bien évidemment d’une ambiance sonore au poil, entre tensions et mélancolie, portée par un thème musical puisant dans les vrombissements citadins pour symboliser une ville sur le point d’imploser.
Au Théâtre national de Strasbourg du 4 au 11 juin
tns.fr