Art & bulles

Henri Gervex, Armenonville le soir du Grand Prix, Musée Carnavalet © Musée Carnavalet / Roger-Viollet

Il ne vous reste plus que quelques jours pour découvrir une des plus excitantes expositions du grand Est : à Reims, sont célébrées avec éclat les noces du Champagne et des Arts.

À l’entrée des salles du musée dédiées à l’événement, l’immense tableau futuriste de Gino Severini, La Danse du Pan Pan au Monico donne le ton : des éclats multicolores nous entraînent dans une sarabande pétillante. Véritable ode à l’esprit de la fête – dont le Champagne est le plus élégant ambassadeur – cette toile ressemble à un résumé d’une exposition justement intitulée Les Arts de l’effervescence. À travers l’Histoire, la promenade est passionnante et didactique : elle débute réellement à la fin du dix-septième siècle, lorsque le vin produit en Champagne abandonne sa tranquillité pour devenir effervescent. Une véritable révolution qui métamorphose un simple breuvage en mythe, associé très rapidement – et pour longtemps – au luxe, à l’aristocratie (et l’on découvre, par exemple, la délicate représentation d’un déjeuner d’huitres à la Cour de Louis XV par Jean-François de Troy) et à la fête. À coté de tableaux et estampes sont exposés verres et rafraichissoirs fabriqués par les plus prestigieuses manufactures de l’époque (Sèvres, Saint-Clément…).

Gino Severini, La Danse du Pan Pan au Monico, Centre Pompidou, Musée national d’art modern © Adagp, Paris 2012

Le parcours se poursuit et culmine entre Art Nouveau et Art Déco : à l’âge industriel, le Champagne s’est émancipé : désormais associé à la modernité et aux avant-gardes, il est devenu un symbole pour Pierre Bonnard et les Nabis (avec une affiche de 1889, France Champagne), par exemple, et se trouve célébré par des artistes comme Henri de Toulouse-Lautrec et Alfons Mucha. Les expositions internationales mettent à l’honneur une boisson devenue internationale et sa célébrité rejaillit sur toute une région et sa capitale, métamorphosant Reims en temple de l’Art déco, où des artistes comme Gustave Jaulmes, Maurice Denis (dans l’église Saint Nicaise) ou Henri Rapin laissent leur empreinte. Dans un de leurs premiers films, les Frères Lumière s’intéressent à la divine boisson réalisant le premier spot publicitaire de l’histoire en 1900 (pour la maison Mercier). Et l’on suit ensuite Pablo Picasso, André Masson, Salvador Dalí, Maria Elena Vieira da Silva, Oliver Debré… Tous créeront des œuvres en lien avec le Champagne ici présentées (ah, les merveilles de la gamme Taittinger collection !). Le visiteur quitte le Musée un peu chancelant et grisé, heureux d’un si beau parcours avec, à l’esprit, les vers d’Arthur Rimbaud : « Nuit de juin ! Dix-sept ans ! On se laisse griser / La sève est du champagne et vous monte à la tête… / On divague ; on se sent aux lèvres un baiser / Qui palpite là, comme une petite bête. »

À Reims, au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 26 mai
03 26 35 36 00 – www.ville-reims.fr

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