Arrêt sur images

© Anne Immelé

Stop. Arrêtons le flux continu, à la manière de la photographe Anne Immelé qui a commissionné l’exposition Comme un souvenir… à la Fondation Fernet-Branca, référence à Tarkovski.

Saint-Louis, un matin de pluie et de brouillard. Une météo propice à l’immersion dans les nuées laiteuses de l’espace d’Art contemporain haut-rhinois dirigé par Pierre-Jean Sugier qui avait depuis quelque temps à l’esprit l’envie de saluer « un personnage à part dans l’histoire du cinéma, auteur influent de dessins, peintures ou Polaroïds. J’ai croisé par hasard Anne Immelé – qui a beaucoup interrogé le travail d’Andreï Tarkovski – dans une librairie et nous avons convenu d’un hommage » en trois séquences donnés par un trio de films (Solaris, Le Miroir et Stalker) du maître de la mémoire et de la lenteur, sacralisant l’errance et la contemplation, nécessaires aventures introspectives. La photographe mulhousienne s’est plongée dans ses archives et a exhumé des négatifs avant de s’enfermer dans sa chambre noire pour tirer des images brumeuses faisant écho au cinéaste russe. La centaine de clichés (dont de récentes, sur les réminiscences « inquiétantes » de l’enfance) dialoguent avec des sculptures de Pierre-Yves Freund marquées par l’usure ou la rouille et une série emblématique de Dove Allouche. Celui-ci s’est rendu à Tallinn (Estonie), sur les lieux du tournage de Stalker (1979) pour, selon l’artiste, « accomplir une reconnaissance topographique et retrouver avec exactitude les paysages de La Zone », espace mystérieux, objet de convoitise des protagonistes du long-métrage. Ses photos le surprennent lui-même : 30 ans plus tard, « rien n’avait bougé, seule la hauteur des arbres indiquait le passage des années. » Anne Immelé, durant sa carrière, a appuyé simultanément sur le déclencheur de son appareil et la touche “arrêt sur image” de nos cerveaux. Elle a capté « l’énergie créative intense » de Tarkovski afin de questionner la place de l’homme dans un monde en perpétuel mouvement comme l’eau d’un torrent. La photographe préfère la mélancolie des lacs, « le temps retenu dans la matière liquide ». Nous sommes happés par ses forêts enrobées par une épaisse brume et saisis par ses portraits frontaux, notamment celui d’une jeune rouquine nous fixant : une madone faisant écho au mysticisme innervant l’oeuvre cinématographique de l’exilé d’URSS, une bienveillante gardienne d’un parcours où l’on chemine avec vigilance comme on explore l’énigmatique planète / océan Solaris.


À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis) jusqu’au 5 mai

fondationfernet-branca.org

Exposition Zone, au Cri des Lumières (Lunéville), jusqu’au 14 avril (commissionnée par Anne Immelé, elle rassemble Ester Vonplon et Kazuma Obara autour de Stalker de Tarkovski)

crideslumieres.org

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