Et la mort n’aura pas d’empire : Antoine et Cléopâtre dans les mains de Célie Pauthe

Antoine et Cléopâtre © Hervé Ballamy

Dans les mains de Célie Pauthe, le shakespearien Antoine et Cléopâtre se fait le rêve fou d’une reine d’Égypte et d’un général romain, d’une utopie de reconfiguration du monde et des rapports Orient-Occident.

S’ils n’ont pu se croiser, il est possible de passer en un pas de Jean Racine (1639-1699) à William Shakespeare (1564-1616). C’est en tout cas le trajet proposé par Célie Pauthe au CDN de Besançon. Après Bérénice, amours impossibles entre l’empereur Titus et la reine Bérénice à Rome, elle monte une autre tragédie autour d’une histoire d’amour éperdu entre deux puissants, Antoine et Cléopâtre. Elle recourt au talent d’Irène Bonnaud pour retraduire cette pièce fleuve, qu’elle parsème de références aux années 1920 et 1930 avec des chansons du célèbre oudiste Mohamed Abdel-Wahab (Cleopatra, inspirée par la pièce La Mort de Cléopâtre d’Ahmed Chawqi) et d’Asmahanavec son tube Ya Habibi taala (Mon amour, viens vite), sans oublier quelques poèmes du grec Constantin Cavafy, né à… Alexandrie. Dans les rôles-titres, Mélodie Richard et Mounir Margoum, resplendissants dans Bérénice, se retrouvent au milieu d’une douzaine de comédiens et musiciennes à tenter de bousculer l’ordre établi par une alliance passionnelle, mais non moins narcissique. Suite à la mort de Jules César, Marc Antoine hérite d’un tiers du monde romain, notamment l’Égypte, et de la guerre de succession qui va avec, entretenue par son rival, le jeune Octave, futur empereur Auguste. Tombé sous le charme de Cléopâtre, les affaires de l’État rappellent Antoine à Rome où il se voit obligé de consentir à épouser la sœur de son ennemi. Mais la reine d’Orient n’est pas prête à renoncer à lui, offrant à Octave le prétexte pour attaquer son royaume et enterrer tout espoir à l’amour. Chacun connait le sort funeste à la Roméo et Juliette de ce couple mythique qui aurait pu changer, par la force de leurs sentiments et de leur vision d’un avenir commun, l’ordre de notre monde naissant. Dans une scénographie alternant couleurs chatoyantes dans le palais de l’une et rigidité froide dans une Rome corsetée, Célie Pauthe livre un hommage puissant aux débordements somptueux de géants : « Il s’agissait, ni plus ni moins, d’agréger et de fusionner jusqu’à l’exubérance tous les héritages et les imaginaires dont ils sont issus, dans le creuset des civilisations égyptienne, hellénistique et romaine. De métisser leurs Dieux jusqu’à en inventer de nouveaux. D’imaginer un monde en somme, où les notions mêmes d’Orient et d’Occident n’existeraient plus mais se fondraient en une même hybridité originelle, indémêlable. »

Teaser Antoine et Cléopâtre – William Shakespeare / Célie Pauthe

Au CDN de Besançon Franche-Comté du 10 au 16 mars
cdn-besancon.fr

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