Ancien et moderne

Edgar Degas, Chevaux de course dans un paysage, 1894 © Museo Thyssen-Bornemisza. Madrid

Dans un parcours thématique fait de 130 œuvres, Karlsruhe rend hommage à Edgard Degas (1834-1917), nous faisant rencontrer un artiste dont les pieds sont plantés dans le passé et l’esprit tendu vers l’avenir.

Après des expositions notamment dédiées à Vuillard, Corot ou Fragonard, la très francophile Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe se penche sur le cas de Degas. L’idée ? Explorer la tension entre Classicisme et expérimentation – titre de l’événement – irriguant la trajectoire de celui qui, trop souvent abusivement placé dans la case “impressionniste”, fut en réalité le premier des Modernes. En arpentant les salles, le visiteur découvre ainsi un artiste occupé, tout au long de sa vie, à copier les maîtres anciens comme Mantegna dont il reprend, ébloui, le Calvaire. Ce fil rouge parcourt une construction thématique montrant que la force du peintre « repose sur la transformation d’œuvres classiques et sur sa capacité à se les réapproprier de manière créative » selon Alexander Eiling, commissaire de l’exposition (qui rappelle également qu’il était “connecté” aux techniques de pointe de son époque, la photographie en tête). Illustration en est donnée avec certaines peintures d’histoire comme une toile fraîche et hiératique intitulée Jeunes filles spartiates provoquant des garçons dont la construction inspire clairement certains groupes de danseuses, le dada de Degas, un sujet qu’il vendait, de son vivant, à des prix astronomiques à une clientèle fascinée. De même, la confrontation entre ses copies des frises du Parthénon et les nombreuses représentations de jockeys – toujours faites en atelier, patiemment, et non au bord du champ de courses, sur le vif – est-elle éclairante.

Peu intéressé par les paysages, Degas en réalise néanmoins en Italie et en Normandie : toutes ces phases créatrices sont restituées dans une salle où l’on découvre surtout des créations surprenantes, à la limite de l’abstraction, présentées en 1892, à la galerie Durand-Ruel. Comme dans le reste du parcours, les œuvres de l’artiste sont confrontées à celles de ses contemporains, ici Cézanne et Gauguin, soulignant sa profonde singularité. À l’inverse, le nu est demeuré un motif central pour le peintre, au point de faire l’objet d’une mémorable exposition à Orsay en 2012. À Karlsruhe, une très belle section y est consacrée, où chacun peut, comme Huysmans le fit, admirer « la suprême beauté des chairs bleuies ou rosées par l’eau », une perfection qui transcende les notions de classicisme ou de modernité.

À Karlsruhe, à la Staatliche Kunsthalle, jusqu’au 15 février

+ 49 (0)721 926 33 59 – www.kunsthalle-karlsruhe.de

Parallèlement une exposition intitulée Visite de l’atelier de l’artiste est programmée à la Junge Kunsthalle à destination du jeune public

 

vous pourriez aussi aimer