À la recherche du son perdu

© B.Schmidle

Au Festival international de Colmar, hommage est rendu à Michel Plasson, un des derniers “monstres sacrés”, qui dirigea l’Orchestre national du Capitole de Toulouse de 1968 à 2003. Rencontre avec un jeune homme de 83 ans, inlassable et ardent défenseur du répertoire français.

Comment ressentez-vous l’hommage qui vous est rendu à Colmar ?

Je suis touché, comme aurait dit Berlioz, au fond du cœur. J’aime Colmar. J’aime l’Alsace. Comment ne pas l’aimer quand on est chef d’orchestre et qu’on admire Charles Munch ? J’ai tant de souvenirs ici, un des derniers concerts du violoniste Zino Francescatti, des soirées à l’Opéra national du Rhin1

Vous allez diriger La Damnation de Faust de Berlioz (08/07) : après l’avoir interprétée des dizaines de fois, cette page a-t-elle encore un mystère pour vous ?

Berlioz est un des phares – au sens où Baudelaire l’entendait – de la musique de notre pays. En relisant cette partition, j’y vois l’empreinte du génie. Chez beaucoup, il y a du talent, du métier, de l’expérience, du travail, mais chez Berlioz la musique vient d’ailleurs, d’un monde lointain. Chez ce magicien de l’orchestre, elle possède une aspiration particulière. Avec La Damnation, je retrouve à chaque fois, des choses nouvelles : elle est animée par une flamme éternelle.

© B.Schmidle

Vous proposez aussi un programme Dutilleux / Ravel (05/07)…

J’aime tellement les œuvres d’Henri Dutilleux : il était plein de musiques et de musiques éminemment françaises, c’est-à-dire délicates, raffinées, orchestrées extraordinairement, réservées, pudiques, mais profondément sincères. Il a appelé une de ses pièces Tout un monde lointain : c’est là où il vivait. Ailleurs. Aujourd’hui, il a franchi les frontières de l’éternité. Du reste la plupart de ses œuvres finissent piano, comme si elles n’allaient jamais s’achever…

Comment caractériser la musique française ?

Elle est fragile. Personne ne peut tuer Wagner – je dirais presque hélas [rires] –, pas même un chef médiocre. Debussy, il faut l’étreindre avec délicatesse : c’est comme une sorte de petit coquelicot qui tombe en poussière si on se trompe dans le phrasé, si on n’a pas assez de retenue.

Dans vos interprétations, vous êtes ainsi à la recherche d’un son français dans la musique instrumentale et vocale, puisque vous avez créé une Académie de chant dont on découvrira une dizaine de membres (11/07)…

J’ai envie de retrouver ce son qui est dans ma tête, dans mon cœur et qui se perd de plus en plus, je le crains. Le son de l’orchestre français est très clair, avec des couleurs instrumentales particulières, notamment dans la petite harmonie2… Comme maintenant tout le monde joue un peu pareil, se développe une triste uniformisation.

 

  À Colmar, du 5 au 14 juillet

festival-colmar.com  


 

1 Michel Plasson y a notamment dirigé Les Troyens de Berlioz en 2006 –

operanationaldurhin.eu

2 Une partie d’un orchestre regroupant les bois (flûtes, hautbois, clarinettes et bassons)

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