Zoom sur trois ouvrages qui valent le détour pour cette rentrée BD : La Régate, le Livre VIII des Aigles de Rome et Les Yeux d’Alex.
Aventures maritimes
Inoxydable héros de « l’âge d’or » de la BD franco-belge – créé en 1952 par Jacques Martin –, Guy Lefranc poursuit ses aventures. Pour ce 36e opus de la série, intitulé La Régate, on retrouve le (très très) prolifique scénariste alsacien Roger Seiter et le dessinateur Frédéric Legrain, dit Régric, avec son trait très « ligne claire », fidèle à l’esprit des années 1960. Le duo collabore ici pour la septième fois depuis 2014 et Cuba libre. L’histoire ? Le journaliste prend part à une régate sur le bateau de son amie (un peu louche) Théa au début des sixties. Surpris par un typhon, ils échouent sur les côtes indonésiennes, débarquant sur l’île de Walang : entre complot politique mené par une bande de mercenaires sans scrupules et trafic de minerai, notre héros aura fort à faire dans une histoire prenant pour cadre temporel la fin de la colonisation hollandaise dans la région.
Paru chez Casterman (13,50 €)
casterman.com
Histoires romaines
« Quintili Vare, legiones redde » (Varus, rends-moi mes légions). Telle est la réaction d’Auguste, rapportée par Suétone, lorsque l’Empereur romain apprend la dérouillée prise par ses armées face à une alliance de tribus germaines, commandées par le chef chérusque Arminius, à la bataille de Teutobourg, en l’an 9. Quelques années plus tard, en l’an 15, Rome veut se venger, positionnant huit légions, commandées par Germanicus, sur la rive gauche du Rhin… Suite d’une fabuleuse saga initiée en 2007, le Livre VIII des Aigles de Rome met en scène Arminius, le « Vercingétorix allemand » et Marcus, un personnage imaginaire, dont la rivalité est plus féroce que jamais. Les entoure une galerie de personnages, comme Morphea. Scénarisé et dessiné par Enrico Marini – auteur italien installé à Bâle –, ce nouvel opus est extrêmement réussi, se plaçant avec classe dans le camp de Rome, série dark et brillante réalisée par HBO – une des références du genre – et de Gladiator de Ridley Scott. L’histoire entremêle complots imaginaires et grande Histoire avec un immense talent, dans un style graphique évoquant le meilleur de Jean Giraud dans Blueberry et la maestria de Jordi Bernet.
Paru chez Dargaud (17,50 €)
dargaud.com
Émois photographiques
Autrice majeure, Claire Fauvel – « Prix Jeunesse » au festival d’Angoulême 2018 pour La Guerre de Catherine – livre l’un des albums marquants de cette rentrée BD. Roman graphique d’une très grande sensibilité, Les Yeux d’Alex met en scène une jeune photographe marseillaise. Concourant pour le « Prix Découverte » des Rencontres d’Arles, elle décide de travailler sur le désir. Dans un monde où la sexualité est un jeu souvent pensé par (et pour) les hommes, elle se concentre sur son propre désir et sa vision des corps masculins, souhaitant inventer un nouveau regard. Dans une inversion des rôles, elle devient le sujet désirant : affrontant ses doutes, ses blessures et toutes les normes sociale, l’héroïne dépasse les injonctions du patriarcat. Cet album militant, plein de sensibilité, décrit un parcours initiatique dessiné avec grande finesse. Il est servi par des couleurs directes où le bleu lumineux des Calanques entre en résonance avec la carnation intime des peaux.
Paru chez Glénat (25 €)
glenat.com
