Lorenz Adlon Esszimmer à l’heure de Jonas Zörner
Jonas Zörner crée, depuis quelques mois, une cuisine d’une grande force au Lorenz Adlon Esszimmer de Berlin. Déjà récompensé par une Étoile au Guide Michelin, il ne devrait pas s’arrêter là.
En février, Jonas Zörner a posé ses valises au Lorenz Adlon Esszimmer, à la suite de Reto Brändli, illuminant l’iconique palace allemand d’une cuisine sophistiquée dont le substrat – un classicisme à la française de bon aloi – entre en résonance avec la pulsation vitale d’une citécosmopolite. Berlinois pur sucre, le chef de trente-deux ans est tombé dans la gastronomie tout petit : « À onze ans, j’écrivais des recettes et faisais de nombreux essais », s’amuse-t-il. Passé par des adresses majeures de la capitale – comme Vau, sous la houlette de Kolja Kleeberg, ou Golvet, – c’est en Suisse qu’il vit son expérience la plus marquante, auprès de Heiko Nieder à The Restaurant (deux Étoiles au Guide Michelin, au Dolder Grand de Zurich), « une école d’exigence absolue qui a influencé mes assiettes, dont, je l’espère, chaque élément fait sens. »
C’est bien de complétude sensorielle dont il s’agit, en effet, dans des mets servis dans un vaste vaisseau boisé offrant une vue imprenable sur la Porte de Brandebourg. Ainsi, un ōtoro – partie la plus savoureuse de l’animal – de thon rouge de la maison Balfegó, mariné dans la saumure, constitue-t-il le fondement fondant d’une composition évoquant une abstraction géométrique rigoureuse, avec ses champs chromatiques rectangulaires ou hémicirculaires. Le rose marbré du poisson répond au vert pâle du concombre et au gris mordoré du caviar impérial, dans une explosion de saveurs sous-tendue par ciboulette et mayonnaise au miso : en bouche, les goûts s’entrechoquent avec franchise, dans un puissant tourbillon qui en appelle d’autres. La suite est à l’avenant avec une création épurée : alangui sur l’assiette telle une odalisque marine, un carabinero d’un rouge écarlate – cuit à feu doux dans l’huile d’olive, puis flambé– s’abandonne au velours d’un bouillon de boeuf, transcendé par tamarin, citron vert et basilic. Pour arriver à un équilibre vibratile, Jonas Zörner complète l’affaire de mangue thaïlandaise, papaye verte et huile au basilic. Rien à rajouter. Ni à ôter. Comme dans un ris de veau d’anthologie, accompagné par le sommelier grand style Hans-Martin Konrad, d’un Blaufränkisch « Goldberg » autrichien du Weingut Prieler trouvant la juste voie entre force et délicatesse. Il va comme un gant à ce « terre / mer » où le noble abat – fariné, frit puis glacé au jus de veau – danse le shimmy avec une évanescente mousse de crustacés à la crème et au vin jaune. Quelques radis rouges et blancs et des petits pois craquants-croquants d’un vert électrique parachèvent un édifice extrêmement abouti.
Le restaurant Lorenz Adlon Esszimmer est situé dans l’Hôtel Adlon Kempinski, Unter den Linden 77 (Berlin). Ouvert du mercredi au samedi, le soir. Menus de 275 à 295 €
lorenzadlon-esszimmer.de