Denis Kozhukhin joue à l’Orchestre philarmonique de Strasbourg

© Nicolas Hudak

Accueillant le pianiste Denis Kozhukhin, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg propose une échappée entre Rachmaninov et Sibelius. 

Si Nikolaï Lugansky n’a pu se rendre à Strasbourg comme prévu (ce sera pour la saison 2023-24), il a été remplacé au pied levé par Denis Kozhukhin. Ardent défenseur du répertoire russe, le natif de Nijni Novgorod, au jeu pétri d’élégance et de flamme mêlées, donne le standard que constitue la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, ultime œuvre concertante de son auteur. Si Paganini n’eut jamais de disciple « Il n’en pouvait point avoir, car ce qu’il avait de meilleur, ce qui forme le degré le plus élevé de l’art, on ne peut l’enseigner ni l’apprendre », écrivit Heinrich Heine –, il exerça une fascination incroyable sur ses contemporains et ses successeurs. Chopin (avec son Souvenir de Paganini), Schumann, Liszt, Brahms ou Rachmaninov lui rendirent en effet hommage. Avec cette série de variations diaboliques sur le thème du 24e Caprice pour violon, possédant chacune leur personnalité propre, il crée une mosaïque étincelante, sous-tendue par une unique colonne vertébrale. 


Il faudra tout le talent du lauréat du très sélectif Concours Reine Élisabeth en 2010 pour nous guider au cœur de ces montagnes de virtuosité remplies de séracs et de replats, entre danse macabre, échappée lyrique et mélodie grégorienne du Dies iræ, que l’on retrouve dans L’Île des Morts qui ouvre la soirée, poème symphonique aux accents wagnériens inspiré du tableau éponyme d’Arnold Böcklin. Voilà qui épouse avec élégance la définition de la musique donnée par le compositeur au début des années 1930 : « Une nuit calme au clair de lune, un bruissement de feuillage en été, un lointain carillon au crépuscule. Sa sœur est la poésie et sa mère le chagrin. » Après ce bloc russe, la seconde partie de la soirée dirigée par Dalia Stasevska sera toute entière dédiée à Sibelius, avec un extrait de son Pelléas et Mélisande – sa conclusion tragique – et sa Symphonie n°7, son ultime, en un mouvement unique où l’on retrouve le principe de croissance thématique cher au compositeur finlandais, qui acquiert ici son plein épanouissement : il s’agit d’un bloc unique où tous les mouvements semblent fondus, mais au sein duquel les métamorphoses sont d’une intense subtilité. Si bien qu’on demeure durablement éblouis par une pièce nimbée d’une altière sérénité. 


Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) jeudi 12 et vendredi 13 janvier philharmonique.strasbourg.eu 

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