Le jour d’avant

De 2001 à 2011, le photographe d’origine iranienne Payram s’est rendu plusieurs fois à Alep ou Damas pour constituer la triple série photo Syrie / métal, savon, pierre aujourd’hui exposée à Stimultania. Visite d’un paradis perdu.

 

« Mon objectif est toujours de conduire mon travail à un projet d’édition : c’est le format qui convient le mieux à la photo. » Payram nous accueille dans son exposition avec ses propos paradoxaux. Et de poursuivre : « J’aime que les expos ne ressemblent pas à mes livres et inversement. » Syrie / métal, savon, pierre met en scène des clichés noir & blanc : fixés les uns au-dessus des autres, comme des briques empilées qu’on fait sécher (pour la partie documentant la fabrication de savons à Alep) ou installés dans un environnement sonore évoquant le bazar de Damas pour métal. L’accrochage est voulu comme une immersion « poétique », loin du chaos actuel des meurtres en Syrie.

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En 1983, Payram, 24 ans, quitte l’Iran, alors que « le régime islamique en place fait fermer les Universités : ayant perdu mon statut d’étudiant en cinéma, j’ai fui le pays, notamment pour échapper à la guerre contre l’Irak. » Il n’y retournera jamais. Installé en France, il ne cesse de ressentir « un manque », à l’origine de son travail en Syrie, « pays de substitution où [il] retrouve des souvenirs d’enfance. Le bazar de métal de Damas, par exemple, m’a rappelé celui, à Téhéran, où je me rendais avec mon père, chauffeur de taxi. Le bruit étourdissant qui y régnait m’a donné envie de prendre des images. De même, c’est l’odeur qui m’a conduit à photographier la savonnerie. Sept fois centenaire, elle est aujourd’hui détruite. Les éléments de départ ne sont pas forcément visuels. » La genèse de la série pierre ? « Pour aller chez ma grand-mère, je passais devant une carrière. Elle me mettait en garde quant aux éclats qui pouvaient m’aveugler. Ce souvenir m’est revenu en Syrie. » Le travail manuel, « la transformation de la matière » sert de fil rouge. Adepte du Polaroid et son grain particulier (il nous semble pouvoir toucher la poussière recouvrant certains protagonistes), il se voit comme « un artisan de la photographie ». Une chambre noire avec trépied et châssis… Le dispositif est lourd, mais cette technique – « l’ancêtre du numérique, permettant des images instantanées » – lui offre la possibilité de montrer des épreuves, d’échanger avec les ouvriers, de se fondre dans le décor, de « devenir artisan parmi les artisans ».

 

Les images argentiques de Payram présentent une Syrie figée, éternelle… alors que le pays est actuellement meurtri, défiguré, au cœur d’une actualité perturbée. Il cite Eugène Atget « qui a immortalisé Paris avant qu’Hausmann ne transforme la ville » et livre sa définition de la mission du photographe : « Enregistrer ce qui est en train de disparaître. »

 

À Stimultania (Strasbourg), jusqu’au 1er mai

www.stimultania.org

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