Clément Cogitore : lauréat du Prix Marcel Duchamp !

Auteur des magnifiques films Ni le ciel ni la terre ou Braguino et habitué du Palais de Tokyo, le plasticien Clément Cogitore est le lauréat du Prix Marcel Duchamp 2018. Extraits d’une de nos rencontres avec l’artiste… que la rédaction félicite !

Vous vous présentez comme un « metteur en scène d’images »…

C’est une manière d’effacer les frontières qu’on érige généralement entre les activités de photographe, vidéaste, documentariste ou réalisateur. Je ne produis pas d’objets, mais des images que je mets en scène.

Une dimension cinématographique existe dans votre travail plastique et réciproquement. En quoi vos pratiques se nourrissent-elles l’une de l’autre ?

Mon long métrage est chargé de mes expériences de documentaires, mes photographies le sont de mises en scène, etc. Je m’intéresse à la porosité entre ces pratiques et essaye, pour chaque nouvelle création, pour chaque histoire, de trouver la forme la plus juste afin de la narrer. Je raconte toujours la même, mais jamais de la même manière, pour paraphraser Christian Boltanski.

Dans votre travail, vous vous intéressez de plus en plus « à l’existence d’autres choses que les choses visibles », affirmez-vous d’Atelier, ouvrage édité par Les Presses du réel. Est-ce un bon résumé de votre démarche ?

Je m’intéresse à la “croyance” au sens très large du terme. Les notions d’invisibilité, de fiction, de mensonge ou de spiritualité sont au cœur de mon travail, particulièrement dans mes derniers projets. Il s’agit de questionnements métaphysiques de l’enfance, qui résistent aux explications rationnelles des adultes.

Entre film de guerre et œuvre métaphysique, Ni le ciel ni la terre (avec Jérémie Renier) nous plonge au cœur du conflit armé en Afghanistan. Son tournage au Maroc fut difficile ?

Cauchemardesque : on tournait à 2 000 mètres d’altitude dans l’Atlas marocain. C’était très dur physiquement. Tous les jours, nous rencontrions des problèmes nouveaux : orages, tempêtes de sable, scorpions…

De quoi vous décourager… 

Non, d’ailleurs je travaille déjà sur mon prochain long métrage qui parlera d’un médium. Ça ne sera pas une comédie franche, mais le ton sera plus décalé.


Le strasbourgeois Éric Bentz, leader d’Electric Electric est l’auteur de la BO abstraite et tribale du film Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore. Rencontre.

Le réalisateur et plasticien alsacien Clément Cogitore a découvert la musique sauvage d’Electric Electric par hasard, sur un disque dur traînant chez Seppia, société qui a produit son documentaire Bielutine, en 2010. « J’ai vraiment accroché et contacté Éric pour qu’il en écrive la musique. Nous avons depuis développé une histoire de fidélité et retravaillé ensemble sur d’autres projets » jusqu’à Ni le ciel ni la terre, long-métrage sorti l’an passé. Le pragmatique capitaine incarné par Jérémie Renier et les hommes de sa troupe s’apprêtent, en 2014, à quitter le secteur qu’ils surveillent situé en Afghanistan, mais une énigmatique disparition de soldats trouble les esprits les plus rationnels. Documentaire ou film de guerre, travail plastique ou œuvre fantastique, réflexion métaphysique ou fable œcuménique, Ni le ciel ni la terre se situe à la croisée des genres. La BO illustre les doutes, les tourments envahissant les protagonistes. Avant de visionner la moindre image, Éric a écouté « les envies de Clément, ses mots, ses fantasmes », puis a composé, à l’aide de matériel lo-fi, des thèmes ambiant afin d’accompagner les moments hantés par le mystère. Percussions, synthé, guitare et pédales d’effets : pour les scènes d’action, il enregistre des « musiques de tension, percussives, avec des sons étranges », proches de la transe. Le générique de fin part d’un titre violent d’Electric Electric, emmené vers davantage de lyrisme, selon les désirs de Clément Cogitore qui en a « drivé l’écriture à la note près. Au départ, je pensais avoir carte blanche, mais j’ai vite senti que l’étau se resserrait et que je devenais un outil. Il fallait répondre à ses demandes, très précises, et je respecte ça. C’est une chance que d’être pris dans l’univers de création d’un film », affirme Éric… pas certain pour autant de réitérer cette expérience chronophage l’ayant contraint à mettre en stand by ses autres projets.


Éric Bentz a également composé la BO de Braguino

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