Chercheur de traces : Yellel du chorégraphe Hamid Ben Mahi

Photo de Jean-Charles Couty

Dans le scintillant Yellel, le chorégraphe Hamid Ben Mahi tisse une histoire de rencontres en examinant le complexe héritage des émigrés.

La trajectoire kaléidoscopique d’Hamid Ben Mahi habite ses pièces. Lui, l’ancien gymnaste ayant flashé sur la danse hip-hop, croque de toutes ses dents dans l’art du mouvement qui l’entoure, en quête d’émotions, se frottant aussi bien au jazz qu’au contemporain, en passant par le classique. Ses premières pièces seront engagées sur le monde, à l’instar de Yellel, créée en 2019, évocation du tiraillement des identités entre ses pays de cœur : cette ville algérienne d’où vient sa famille et les bords de la Garonne qui l’ont vu grandir. Le chorégraphe se garde bien de choisir entre les mots et les gestes, convaincu de l’incroyable magie reliant les uns aux autres. Se tisse une histoire de famille, rongée par le silence des aînés. Quand, enfin, les enfants y retournent, les réponses aux questions qui se bousculent leur glissent entre les mains comme autant de gouttes d’eau s’évaporant sous un soleil de plomb. Pas vraiment de là-bas, jamais totalement d’ici, il devient plus facile d’enfouir Yellel dans un coin sombre de sa mémoire. Plus facile de se convaincre d’oublier pour vivre. De s’oublier même !

J’ai l’impression d’avoir hérité d’une histoire qui n’est pas la mienne

Hamid Ben Mahi

Au milieu des vapeurs de gomme d’encens brûlant dans un pot en terre et de projections d’images de contrées lointaines, des danseurs de diverses générations mêlent leurs esthétiques chorégraphiques. Qualité d’écoute suave, succession de phases inspirées de danses folkloriques comme du breakdance se rejoignent pour former une commune énergie.

La ronde vibre sous une même pulsation, piochant ça-et-là des gestes dont ils détournent rythmes et intensités avec une joie communicative. Ce groupe, à la recherche d’une transe collective par l’épuisement des corps, vibre de quêtes intimes reposant sur des failles individuelles. L’écriture du partage et du métissage propre à Hamid Ben Mahi forme une ode au mouvement, un langage universel touchant aux questions fondatrices qui nous hantent. À la vidéo projection de l’écume de mer qui immerge le plateau, répond ainsi un solo de la plus âgée des interprètes. Les cordes pincées du mandoluth font remonter les griffures de son âme dans une danse aux larmes salées, face à l’immensité de l’amer.


Yellel d’Hamid Ben Mahi 
À Pôle Sud (Strasbourg), du 30 novembre au 2 décembre (dès 10 ans), présenté avec le festival Strasbourg-Méditerranée (du 20 novembre au 4 décembre)

pole-sud.fr – strasmed.com 

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