Wtf

© Bea Borgers

Deux compères de L’Amicale de production réinventent la création du monde par le langage dans Germinal, pièce auto-générative et caustique, sans rapport avec Zola.

Ni bureau de production à part entière, ni compagnie de théâtre, L’Amicale de production fonctionne à la manière d’une coopérative de projets, défendant des formes hybrides, allant « du spectacle à la sucette géante », rigolent Antoine Defoort et Halory Goerger. Le premier est un faux jeanfoutre, nageant dans l’incongru comme en eau vive, plongeant dans le tragique pour mieux revenir à la surface dans un éclat de rire ne servant en rien à masquer les contradictions qui l’habitent tout entier. Le second travaille sur l’histoire des idées « parce que tout était déjà pris » quand il est arrivé. Il construit « des systèmes spectaculaires en vase clos qui sont autant de petites maisons Bouygues dans lesquelles [il] ne voudrait pas vivre, sauf s’il y avait le feu dedans. Le discours y tient lieu de ciment, pour faire tenir une forme qui se construit en direct, et se consume le temps de la représentation. » Totalement barrée cette Amicale de prod ? Pas loin en effet, à cette nuance près qu’elle n’est dédiée ni au rire gratuit, ni au divertissement. Sa force est de plonger au cœur de concepts et de mots avec un talent de justesse nous emportant dans la redécouverte jouissive des choses, de leur vacuité (parfois) comme de leur profonde richesse (souvent).

© Bea Borgers

Ainsi en va-t-il de Germinal, recréation d’un monde commun par la redécouverte du langage de quatre personnages dans un espace nu. Ensemble, ils inventent un système pour communiquer, interagir, se rencontrer et partager. D’un boitier où l’on trifouille des boutons pour allumer des lumières et / ou envoyer des surtitres jusqu’au mapping conceptuel final de toute leur évolution, ce quatuor réinvente le réel en “brainstormant” par le faire et l’expérimentation de petits riens. Un ballet sinueux mimé, des apostrophes et dialogues aussi drôlement candides qu’indispensables, fondent ainsi la construction de relations sociales allant de la coopération à la tentative d’accord unanime ou le respect de la contradiction. Le grain de folie de nos quatre loustics fait voler en éclat le plancher (à coups de pioche ou d’arbres poussant de manière impromptue), dynamitant règles et moyens de communication archaïques. Si tout se casse, tout se classe aussi avec le sérieux du jeu d’un enfant. Symbiose, vibration karmique, trouble, gène… on distingue ce qui fait pocpoc de froufrou. On chante, on gratte une guitare et tape des pads tout en refusant de prendre le concept d’argent. Et qu’importe si au bout du fil sorti du sol, l’opératrice tombe des nues. Le paradis se situe peut-être dans un marais à petites bulles de polystyrène dans lequel on se glisse pour jouer à tout ou rien, du moment que les règles nous appartiennent.

Au Maillon-Wacken (Strasbourg), du 11 au 13 octobre

maillon.eu

 > Un Faible degré d’originalité, spectacle-conférence d’Antoine Defoort, à L’Atrium (amphithéâtre AT8) de l’Université de Strasbourg, mardi 10 octobre

 > On Traversera le pont une fois rendus à la rivière, spectacle de L’Amicale de production, à la Scène numérique (Montbéliard), du 7 au 10 mars 2018

mascenenationale.com

amicaledeproduction.com 

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