Sonic Trips : Le festival Transverses à la Cité musicale-Metz

Castafiore, © Vincent de Chavanes

Nouveau temps fort de la Cité musicale-Metz dédié à la création contemporaine, Transverses hybride les genres, casse les codes et dépasse les frontières.

Voilà un audacieux rendez-vous festivalier prenant pour maître mot la pluridisciplinarité ! Depuis son arrivée à la tête de la Cité musicale en 2017, Florence Alibert fait souffler un vent de fraîcheur sur les institutions messines réunies au sein de ce projet ambitieux (L’Arsenal, la BAM, les Trinitaires et l’Orchestre national de Lorraine). Bien décidée à sortir la création contemporaine des sentiers battus, l’ancienne directrice générale du Palazzetto Bru Zane – centre de musique romantique française à Venise – n’hésite pas à casser les frontières entre les genres pour élargir les horizons artistiques, suscitant d’improbables et fructueuses rencontres. Au croisement de la danse contemporaine, de la musique expérimentale, des arts numériques, vidéographiques, etc., le nouveau et bien nommé temps fort Transverses emprunte sans complexe les chemins ondoyants de la recherche et de l’innovation esthétique.

Requiems pour des mondes disparus

Célèbre pour ses rêveries chorégraphiques, visuelles et sonores, la compagnie Système Castafiore met en scène, dans une forme pseudo-opératique, les temps futurs d’après l’Anthropocène, quand toutes les espèces que nous connaissons auront disparu. Dans Kantus 4-Xtinct Species (en photo, dès 7 ans, 13/01), cinq danseurs et quatre chanteurs multiplient les rituels prophétiques et les chants polyphoniques dans une sorte de grande cérémonie chamanique. Augmentés de prothèses et de surréalistes costumes hybrides, les corps se déploient, se déplient et se métamorphosent au milieu d’intrigants procédés vidéos et sonores qui projettent le public dans d’insolites fantasmagories.

Dans Two Stones (14/01), l’extraterrestre percussionniste Lê Quahn Ninh se lance avec la danseuse contemporaine Marie Cambois dans une valse improvisation autour de la partition radicale d’un autre ovni de la musique concrète et minimaliste, le compositeur américain Michael Pisaro. En frappant ou en frottant deux pierres l’une contre l’autre, le duo se laisse emporter par les motifs rythmiques évoquant torrents et cascades. Épure du geste et sensations organiques. Tout ici est fait pour ébranler notre rapport ordinaire à la réalité : son et mouvement s’unissent, se gorgent d’une désarçonnante puissance tellurique, jusqu’à porter nos esprits à incandescence.

Autre forme de rituel hypnotique où le mouvement fusionne avec l’univers de la musique, Cage 2 (20/01) rend hommage au compositeur John Cage et à son compagnon Merce Cunningham au travers d’une série de douze pièces pour piano préparé – sorte d’étrange machine à percussions obtenue en plaçant entre les cordes de l’instrument divers objets (boulons, vis ou pierres) pour en altérer les sonorités. Sur une aire de 7 mètres sur 7, le pianiste Bertrand Chamayou et la danseuse Élodie Sicard explorent en une myriade de solos l’univers poétique de deux figures majeures du XXe siècle, qui révolutionnèrent la danse contemporaine. Les amateurs de classique, eux, pourront se réfugier dans les non moins déroutants Instantanés #1 et #2 (21 & 22/01) imaginés par la compagnie HowNow, où les corps performatifs s’ébrouent au rythme des compositions baroques de Marin Marais ou du chant médiéval de la Sybille, librement interprété par l’oudiste palestinienne Kamilya Jubran.

Expériences immersives

De leur côté, les amoureux de numériques expériences sonores ne seront pas en reste. François Donato et Hervé Biroloni proposent en effet avec Tesla (14 & 15/01) un détonnant concert aux arcs électriques en forme de plongée dans les ivresses scientifiques du génial inventeur Nikola Tesla, pionnier des moteurs à courant alternatif. Dans Perspectives & Avatars, la jeune et inclassable artiste bretonne Laura Perrudin (19/01) cisèle avec sa harpe chromatique électrique absolument unique une pop aux contours insaisissables, faite de boucles hallucinatoires et d’ambiances gentiment mutantes. Impossible enfin de passer à côté de la musique percussive et hors norme de Lucie Antunes (15/01), taillée pour les dancefloors et la nuit. Après avoir fait ses premières armes aux côtés de Moodoïd et s’être associée à Yuksek, la jeune femme a entrepris, depuis la sortie en 2019 de son époustouflant premier disque Sergeï, une prestigieuse échappée en solo. Inspirée des pionniers du minimalisme, Antunes déploie un instrumentarium hétéroclite et insolite (marimba, vibraphone, ondes Martenot, synthés, batterie, tubes de canalisation, etc.) pour créer des matières sonores nouvelles, transformées à grands coups de pédales d’effets. Émerge alors une musique ultra léchée, aussi savante que dansante, furieusement subjuguante.

Laura Perrudin, Light Players, Perspectives & Avatars

À L’Arsenal et Saint-Pierre-aux-Nonnains (Metz)
du 13 au 22 janvier
citemusicale-metz.fr

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