The man from utopia

Photo de Vincent Muller

En plongeant dans l’univers prolifique, labyrinthique et politique de Frank Zappa, Paul Schirck signe la conférence-concert déjantée Cosmik Débris. Envolées musicales, bouffonneries, freaks et drones pour un voyage intersidéral.

Si l’on peine toujours autant à comprendre le positionnement de Scènes d’Automne en Alsace* – un temps fort dévolu à l’émergence enfermant les projets sélectionnés dans une case régionale –, il faut bien avouer que le Cosmik Debris de Paul Schirck aurait eu toutes les peines du monde à voir le jour sans. Alsacien d’origine, le metteur en scène a fondé la compagnie L’Armoise commune avec deux camarades de sa promotion à l’École de la Comédie de Saint-Étienne. Avec l’horizontalité propre aux collectifs, voit notamment le jour, Jean la Chance de Brecht dans une forme itinérante à travers le Val de Villé. Pour leur nouvelle création, ils cherchaient à travailler la figure du maître. À l’occasion d’un road trip dans les paysages de l’Utah, Paul retombe sur Zappa et « flash à nouveau sur sa musique, son rapport à la nature, ce qu’il dénonce des USA de l’époque Reagan. L’élection de Trump et les échos évidents qu’elle impose avec cette période, ont achevé de me décider », confie ce chantre d’un rapport artistique entre théâtre et musique. Pour rendre justice à ses concerts monstrueux, il fallait au moins six à sept comédiens-musiciens sur scène. « Zappa était très pessimiste, mais pas résigné. Il transformait tout en joie, recherchait l’émancipation et l’ouverture de mondes personnels en chacun, ce qui a guidé mon travail avec l’équipe de trentenaires réunie dans une remobilisation contre le fatalisme ambiant lié à l’état du monde. »

Photo de Vincent Muller

Loin des modes actuelles, la pièce se défie de la vidéo comme de la tentation du biopic. Aucun insert sur la vie privée – pourtant oh combien riche en anecdotes – de l’inclassable guitariste et chef d’orchestre, figure d’un calme absolu et quasi inaccessible lors de ses interviews. La conférence initiée sur scène se voit rapidement envahir par l’univers de celui qui créa le mouvement freaks à Los Angeles, cultiva un amour pour les figures de monstres, les films de série Z, les comics et les cartoons de Tex Avery. « On met souvent en avant son côté contre-culture alors qu’il passait son temps à dire qu’il n’y avait pas de sous-culture, lui le spécialiste de musique classique et concrète », rappelle le metteur en scène qui « en joue dans l’approche de la théâtralité, rendant visibles des effets “nazes” pour le plaisir. » Une basse, une batterie, trois guitares, des claviers, une keytare et des objets pour bruitages donneront vie à sept morceaux joués en direct qu’ils réinventent avec leurs moyens. « Chaque interprète a dû trouver son monstre de Zappa, enfilant petit à petit la moustache, piochant dans les engagements politiques – guères révolutionnaires de celui qui se présenta à l’élection présidentielle de 1991 –, la provoc’ face aux télévangélistes avec des films de cul dans lesquels il se moquait de Dieu, ou la vulgarité, en écho à la violence sociétale. »

* La Comédie de Colmar, Le Créa (Kingersheim), Les Espaces culturels Thann-Cernay, L’Espace 110 (Illzach) et La Filature (Mulhouse) sont les cinq structures haut-rhinoises partenaires qui accueillent des spectacles des Anges Nus, Christine Ott, Sandrine Pirès, Pauline Ringeade et David Séchaud

Photo de Vincent Muller

À La Filature (Mulhouse), du 6 au 8 novembre dans le cadre de Scènes d’Automne en Alsace (du 2 au 19 novembre)
lafilature.org

À La Comédie de Colmar, du 14 au 16 novembre dans le cadre de Scènes d’Automne en Alsace (du 2 au 19 novembre)
comedie-colmar.com

Rencontre avec les artistes, jeudi 14 novembre à l’issue de la représentation

La Comédie de Colmar garde vos enfants (dès 3 ans), samedi 16 novembre, le temps de la représentation qui débute à 18h

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