Supersfar

© Joann Sfar «Le Chat du Rabbin» Bd. 8 Dargaud 2018

Le Chat du Rabbin, Petit et Grand Vampire, des toiles d’après Bonnard… Sans début ni fin rassemble plus de 200 œuvres d’un des auteurs les plus prolifiques de la BD. Entretien avec Joann Sfar à Bâle.

Le titre de cette ample rétrospective commissionnée par Anette Gehrig, directrice du Cartoonmuseum, renvoie à la phrase d’Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve… »
Ou alors au mythe de Sisyphe [rires]. En tout cas, il est très approprié, car je vis pour le feuilleton. Parfois, on me fait l’amitié de dire que Le Chat du Rabbin est une fable philosophique, mais en réalité il s’agit d’un récit émotionnel avec des personnages dont je me demande comment ils vont chaque matin, en me levant. J’ai une fascination pour des auteurs comme Alexandre Dumas ou Frédéric Dard, pour ce grouillement qui est le leur, dont j’ai également besoin.

L’exposition illustre l’intense variété de votre travail : pourquoi ce besoin de changer sans cesse de médium ?
Le seul but est de renforcer mes bandes dessinées : je ne me prends jamais pour celui que je ne suis pas… Toiles, aquarelles, films ou romans servent à cela ! Tout ce que je fais va dans la même direction, malgré une disparité apparente.

© Joann Sfar «Paris sous les eaux» Gallimard 2018

On vous découvre peintre avec des œuvres inspirées de Bonnard : avez-vous la tentation du pinceau comme d’autres, tels Loustal ou Liberatore ?
Non ! La BD c’est beaucoup mieux [rires]… mais je viens de la peinture : j’ai étudié aux Beaux-Arts de Paris dans la classe de Pierre Carron, un élève de Balthus. Réaliser la série Je l’appelle monsieur Bonnard (commandée par le Musée d’Orsay) était un moyen de voir où j’en étais avec cet art, mais aussi d’interroger les figures du peintre et du modèle, centrales dans mon travail. Et puis j’ai pu explorer l’œuvre de Bonnard, pleine de cette fausse douceur qui est une authentique morbidité.

Parmi la variété de votre création sont accrochées vos illustrations des Fables de La Fontaine : pourquoi avoir accepté de réaliser un livre distribué à tous les élèves de CM2 de France, en 2018 ?
J’en suis très heureux, car il s’agit d’une œuvre universelle et d’un fabuleux véhicule pour apprendre une langue dont l’époque de La Fontaine constitue un âge d’or. C’est le moment où le français a été le plus brillant, le plus profond, le plus subversif peut-être aussi…

© Dargaud / Rita Scaglia

Est aussi montrée une belle sélection de Paris sous les eaux parue dans Paris Match : quelle est l’esprit de cette rubrique dessinée ?
Il s’agit d’un hommage à Sempé qui l’a créée : je travaille explicitement pour m’adresser à son public avec un dessin intemporel, un peu mélancolique, mais qui n’est jamais méchant. Ma méthode est simplement différente : j’arpente Paris sans cesse, faisant des croquis de situations qui me semblent cocasses. Je ne sais pas comment il fait, mais lui réussit à rendre l’âme de la ville sans quitter son ap- partement du quatorzième arrondissement !


Au Cartoonmuseum Basel, jusqu’au 11 août

cartoonmuseum.ch 

Visite guidée en français dimanche 4 août à 14h

vous pourriez aussi aimer