Spirit of JCVD

À travers un savoureux mélange de scènes cultes et de vieilles parodies de films de karaté tournées avec son frère, le comédien et musicien Zachary Oberzan nous entraîne, avec Your brother. Remember ?, dans l’intimité des siens.

Au début des années 1990, Jean-Claude Van Damme est la star de films d’action et de baston aux scripts tenants sur des tickets de métro. Bloodsport, Cyborg, Kickboxer, Full Contact, Timecop ou encore Universal soldier font la part belle aux talents physiques du Belge alliant vélocité, souplesse – ses grands écarts en ont tant fait rêver – et impressionnante musculature. Alors adolescents, Zachary et son grand frère Gator (leur sœur en guest star) s’amusent à re-tourner leurs scènes favorites, la maison familiale du Maine pour unique décor, avec une caméra de la taille d’une valise. Quand Van Damme frappe un arbre pour s’entraîner, Gator martyrise un ficus de son tibia, on lui jette une noix de coco sur les abdos de plusieurs mètres, c’est une pantoufle qui atteint l’ado… Vingt ans plus tard, Zachary a embrassé la carrière d’artiste avec le collectif Nature Theater of Oklahoma à New York. Il propose à son frère de rejouer ces mêmes scènes à l’identique : mêmes plans, engoncés dans des tenues devenues visiblement trop petites, leurs improvisations d’alors devenues dialogues de référence.

Serial qui leurre
Zachary s’empare de ce matériau brut sur le plateau, projetant sur grand écran des juxtapositions entremêlées de diverses scènes originales et reproduites. Tel le MC d’une pièce en puzzle dont lui seul saurait agencer les pièces, il embarque le public dans un ovni théâtral drôle et grave, doublant une partie des dialogues en direct, multipliant ainsi le nombre de filtres à la réalité qui nous est offerte. Si l’on ne manque pas de rire des propos, parfois ténus, d’un Jean-Claude Van Damme se livrant sans retenue, l’on découvre rapidement que le temps est un serial qui leurre. Entre les deux tournages amateurs, l’aîné des frères Oberzan a mal tourné, confiant en 2010 : « On peut résumer ma vie par deux overdoses, un séjour en prison et mon décrochage sur le tournage. » Ainsi l’extrait de la confession en gros plan tirée de l’excellent JCVD signé Mabrouk el Mechri où Van Damme parle avec sincérité du succès, de la drogue, de la fuite en avant de sa vie… offre un écho saisissant à la trajectoire d’un Gator sous méthadone qui a pris 45 kg et quelques tatouages durant son passage en prison. Dans une apparente simplicité, Zachary distille des bribes de confessions de son frère, révélant la complexité humaine dans toute sa grandeur. Une intimité non imitée dévoilée en un tempo précis dont le montage fait penser aux poupées russes dont on découvre les similitudes et les différences, infimes mais essentielles en glissant de la réalité à la fiction, du passé au présent.

http://www.youtube.com/watch?v=i_LMzRierKE

À la vie à l’amor
Si le metteur en scène avoue, la gorge nouée, qu’il a tout appris de son métier d’acteur en regardant son frère aîné, pour ce dernier, le plaisir venait avant tout de prétendre être quelqu’un d’autre. La manipulation et la comédie comme moyens de survivre, d’obtenir des autres de quoi assouvir ses addictions. Pas de pathos ici, ni de chaudes larmes. Plutôt une retenue pudique portée par un rythme saisissant entre scènes rejouées, extraits de films et morceaux de rushes amateurs drôles et touchants s’appuyant sur des bribes de leur vie, comme ces extraits de lettres envoyées depuis sa cellule ou encore les savoureuses reprises de chansons aux paroles trafiquées par Gator (On the road again devient Overdosed again…) interprétées à la guitare, sur scène, par Zachary. Your brother. Remember ?, citation tirée de Kickboxer donnant son titre à la pièce, parle en soi. Réflexion sur le temps qui passe, l’enfance, les liens d’une fratrie, cette thérapie familiale à dimension universelle procède, dans son contenu formel et fictionnel, à la manière d’un Michel Gondry dans Soyez sympa, rembobinez : faire un film avec zéro moyens, des acteurs amateurs sans se prendre au sérieux, c’est partager de la vie et du plaisir, créer du lien social et replacer l’imaginaire au centre de nos vies. « L’amour prend différentes significations selon les gens… Mais l’amour est immanent », affirme JCVD en ouverture de la pièce. Your brother. Remember ? Une lettre d’amour d’un frère malgré l’éloignement de trajectoires de vies aux antipodes. Et dire que Zachary laisse entendre que le spectacle pourrait être une sorte de work in progress auquel s’ajouterait une suite… dans 20 ans ! Rendez-vous en 2030.

À Strasbourg, au Théâtre de Hautepierre, du 27 au 29 novembre (en anglais surtitré en français)
03 88 27 61 81 – www.le-maillon.com

Projection du film Flooding with love for the Kid de Zachary Oberzan suivie d’une rencontre, dimanche 27 novembre, au Star
www.cinema-star.com


vous pourriez aussi aimer