Sorcier flamenco

Photo de Daniel Mpantiga

Pourfendeur des dogmes et réinventeur radical d’un flamenco contemporain, la légende Israel Galván ravive l’avant-garde d’El Amor Brujo.

Tordre le cou aux classiques, ces chocs dont « un jour la fracassante beauté, inédite, est devenue un ensemble de codes et d’habitudes ». Telle est la ligne de conduite de celui qui compte parmi les plus grands danseurs actuels du flamenco. Israel Galván s’attaque à l’un des chefs-d’œuvre de la musique espagnole du XXe siècle, L’Amour sorcier de Manuel de Falla. À sa création en 1915, aux confins de l’avant-garde et de la culture gitane, la musique de ballet fait scandale, au point d’obliger son compositeur à la remanier en suite symphonique dont s’emparèrent moult artistes pour en faire un incontournable classique. De quoi attirer Israel Galván, adepte de la table rase et de la réinvention sur les cendres fumantes d’un feu rénovateur. Depuis La Edad de Oro jusqu’à FLA.CO.MEN, en passant par La Fiesta ou l’ensorcelant Dju-Dju, le danseur cherche l’essence même des mouvements, le geste primitif et ultime. Il gratte le vernis imposé par les couches du temps et de mythification en recherche du diamant originel de l’artiste, de son rapport à l’espace comme au mouvement guidé par la rythmique. Sur une musique resserrée, portée par « l’intensité d’un seul piano et d’une gorge », il entend « sentir la vibration du marteau sur la corde, fouler la terreur au cœur de la sorcellerie ». Israel s’offre, corset noir sur chemisier blanc, mains gantées de rouge, talons aux pieds.

Photo de Daniel Mpantiga

Pour la première fois, il danse sur des airs traditionnels. Mais son Amour sorcier se défie de toute posture éculée, des mines tragiques, des « grimaces de douleur que font tous les danseurs » et des dramaturgies passionnelles du passé. À lui la chair palpitante, les superstitions et peurs occultes, la magie inconnue et les appels magnétiques aux esprits, les gestes envoûtants. « Cette musique possède le pouvoir de donner la fièvre, de faire pénétrer dans des enfers », confie-t-il. L’histoire raconte les amours contrariées de Carmelo et Candela, gitane mal mariée devenant veuve, mais hantée par son ancien mari. Maîtresse d’elle-même mais possédée, ses magies propres auront raison du spectre jaloux en le poussant dans les bras d’une autre. « Je veux que s’incarnent dans le corps les relations qu’entretiennent les humains avec l’amour, la peur, la mort. Que tous les personnages de l’œuvre et tout ce que de Falla pouvait avoir en tête s’incarnent dans mon corps. »


Au Théâtre de Montbéliard, vendredi 13 décembre
mascenenationale.eu

À la Maison de la Musique (Nanterre), jeudi 23 et vendredi 24 janvier 2020
maisondelamusique.eu

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