Say it loud

Photo de Tristan Jeanne Valès

La verve et l’engagement de l’écrivain américain James Baldwin sont au cœur de deux puissantes pièces signées Élise Vigier.

Si le grand public en France l’a découvert grâce au superbe documentaire de Raoul Peck, I am Not Your Negro, le style littéraire et les combats de cet intellectuel et homosexuel afro-américain ayant lutté pour l’égalité entre communautés et la liberté sexuelle, resplendissent dans Harlem Quartet. Cette adaptation du roman Just above my head, signée Kévin Keiss, prend corps sur fond de musique acoustique et du slam de Saul Williams. Des années 1970 à celles d’avant la guerre de Corée, les portraits croisés de fratries mêlent amours libres, drogue et révolte dans une langue organique à l’érotisme pulsionnel. Le long flashback narratif mené par Hall sur son histoire familiale, prend pour point de départ la mort de son frère Arthur, chanteur star de soul, dans un bar londonien. Hall fut le manager de son premier groupe, un quatuor de gospel. Avec en toile de fond la ségrégation raciale américaine et son flot de violence, le rejet de l’homosexualité, la lente évolution des mœurs et des rapports sociaux, se déploient des personnages au destin chaotique. L’amie d’enfance, prêcheuse évangéliste en culottes courtes et son petit frère Jimmy, futur amant d’Arthur, impuissant à l’empêcher de sombrer dans les tentations qui le guettent sur le chemin du succès. La chair de corps passionnés, la harangue des mots et des cris, voisine avec des images d’archives en noir et blanc ou du New York d’aujourd’hui.

Photo de Tristan Jeanne Valès

Sans allusion
Le second projet réunit une nouvelle fois la metteuse en scène Élise Vigier et son dramaturge Kévin Keiss pour l’adaptation de Nothing Personal, livre publié en 1964* par Richard Avedon et James Baldwin. Le célèbre photographe de mode s’y engage avec des clichés saisissants autour des conditions de vie dans l’Amérique d’alors, du traitement psychiatrique aux lignes de frottement politique entre suprématistes blancs et activistes pro Droits civiques. Malcolm X voisine avec Eisenhower, Allen Ginsberg avec des nazillons brandissant des drapeaux confédérés. Les photos sont accompagnées d’écrits au vitriol signés Baldwin autour d’une expérience personnelle de harcèlement par un policier, illustration des clivages et de l’injustice gangrénant la société. Cette confrontation des mondes et des pensées permet à Élise Vigier d’orchestrer un dialogue avec l’époque contemporaine. Marcial Di Fonzo Bo et Jean-Christophe Folly incarnent ces Entretiens imaginaires entre Avedon et Baldwin, tissant des parallèles entre leurs vies, reliant Harlem à Barbès, Buenos Aires au Togo. Ils donnent à penser la France actuelle et ses lignes de fracture, son besoin de fraternité, d’amour de l’autre et de plaies à panser.

Photo de Tristan Jeanne Valès

Richard Avedon – James Baldwin : Entretiens imaginaires, à l’École d’Art de Belfort G. Jacot, mercredi 12 février puis à La Comédie de Colmar, jeudi 13 (adapté en langue des signes française) et vendredi 14 février
legranit.org
comedie-colmar.com

Harlem Quartet, au Granit (Belfort), mardi 11 février
legranit.org

* Les Éditions Taschen ont réédité l’ouvrage, épuisé et introuvable depuis de nombreuses années, en 2017
taschen.com

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