Sacrifice

© Pierre-Étienne Vilbert

La compagnie strasbourgeoise Plume d’éléphant adapte Les Boîtes, roman absurde de l’auteur hongrois Istvàn Örkény et miroir grossissant tendu à nos compromissions. Un bouleversant écho aux horreurs insensées de la guerre.

Une famille hongroise pendant la deuxième guerre mondiale. Tandis que le fils est au front, les parents accueillent son commandant, avec l’espoir d’améliorer le quotidien de leur cher enfant. Mais l’homme est fantasque, névrosé et insomniaque. Il tyrannise les époux Töt avec ses caprices et ses lubies, les faisant travailler toute la nuit à la fabrication de boîtes en carton, jusqu’à l’épuisement. Les parents se soumettent aux situations les plus cocasses, avec une abnégation vite insoutenable, pensant à leur fils… sauf qu’il est mort au combat. Si le spectateur en est très vite informé, les infortunés parents sont laissés dans l’ignorance. Assurément vains, leurs efforts n’en sont que plus absurdes.

« Ce qui m’intéressait dans le roman d’Istvàn Örkény, était un questionnement sur notre liberté à décider de nos actes, dans toutes nos relations, pas forcément vis-à-vis du seul pouvoir. Quels sont les compromis qu’un être humain est capable de faire ? Jusqu’où aller dans le sacrifice ? » En adaptant le texte au théâtre, la metteuse en scène Isabelle Cloarec prend la suite de l’auteur qui, déjà, « avait tiré une pièce de théâtre du roman. La facture classique de cette dernière m’intéressait moins que le roman. La structure romanesque apporte une distance sur scène, parce qu’on est dans la narration. Je cherche à recréer l’émotion qu’on peut ressentir en tant que lecteur. Pour moi, l’adaptation est plus une richesse qu’une contrainte. » Parmi les quatre personnages du spectacle, il y a donc le narrateur : un rôle ambigu, qui apporte un regard extérieur, à moins qu’il ne tire les ficelles… « Il est en quelque sorte la représentation du destin, conduisant les personnages dans une direction, de façon inéluctable. Au final, on ne sait plus très bien si le choix est fait par le père ou par lui-même. »

Dans la veine d’un Ionesco ou d’un Adamov, Istvàn Örkény souligne l’absurdité de nos comportements et de nos existences. Glisser vers la folie plutôt qu’avoir le courage de la liberté. Devenir meurtrier plutôt qu’oser refuser la soumission. Car ne faisons pas de mystère : l’affaire va très mal se terminer pour le tyran. « En étant incapable de dire non au commandant, le père va finir par perdre son identité. N’oublions pas cela : l’autorité n’existe que parce qu’en face, quelqu’un cède », insiste la metteuse en scène. « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux », écrivait déjà La Boétie.

À Ostwald, au Point d’Eau, mercredi 9 et jeudi 10 mai
03 88 30 17 17 – www.lepointdeau.com
À Vendenheim, à l’Espace culturel, le 11 mai
03 88 59 45 50 – www.vendenheim.fr
À Schiltigheim, au Cheval Blanc, mardi 15 et mercredi 16 mai
03 88 83 84 85 – www.ville-schiltigheim.fr
www.plumedelephant.fr

vous pourriez aussi aimer