Presque

Martine Feipel et Jean Bechameil, Façade sud, 2014 © Anne Greuzat

Sculptures, peintures, aquarelles et vidéos : à La Kunsthalle de Mulhouse, sept artistes affirment qu’Il s’en est fallu de peu s’attaquant à des histoires qui promettaient initialement… mais se sont achevées en ratages.

Directrice de la Kunsthalle de Mulhouse, Sandrine Wymann a imaginé une exposition passionnante, dont l’essence est tout entière contenue dans le titre : Il s’en est fallu de peu. Les sept artistes qu’elle a rassemblés se sont emparés de projets ou d’idées « qui en sont venus à symboliser des échecs, alors qu’au départ, ils étaient symboles d’espoir ». Il s’agit ainsi à la fois d’un regard posé a posteriori sur l’Histoire – « une manière de la prendre à rebrousse poil » – et d’une réflexion sur les causes qui ont présidé à certains événements marquants. Un des plus beaux exemples de ces ratages ? Les grands ensembles construits en France, dans les années 1960, aujourd’hui abattus les uns après les autres. Le couple de plasticiens Martine Feipel et Jean Bechameil présente trois bas-reliefs : les deux premiers sont des vues (Nord et Sud) d’une gigantesque barre de logements, tandis que le troisième évoque sa déréliction / destruction.

Un homme courant dans les ruines d’un parc d’attractions qui n’a jamais vu le jour (dans une vidéo d’Hassan Darsi), une sculpture de briques de Vincent Ganivet – véritable condensé du propos de l’exposition – manifestant l’improbable point d’équilibre / déséquilibre où le visiteur ne sait plus si l’édifice va tenir ou irrémédiablement s’effondrer… Toutes les œuvres rassemblées surfent sur ces “fausses routes” dont s’est emparé avec génie le serial-aquarelliste Radenko Milak. Il accroche, dans une fantastique accumulation, 27 œuvres en noir et blanc spécialement réalisées pour l’occasion, proposant un singulier voyage dans le XXe siècle : l’arrivée de Tito à la tête de la Yougoslavie, une jeune fille brandissant un drapeau français en Mai 68, un portrait de Patrice Lumumba, une vue spectrale du bateau d’Ernest Shackleton qui voulut être le premier à traverser le continent antarctique en 1914, mais dont l’esquif demeura prisonnier des glaces… L’artiste s’empare d’une photo trouvée sur Internet, puis la réinterprète avec son pinceau. Ainsi L’Endurance, voilier du malheureux explorateur irlandais, se métamorphose-t-il en une sorte de Vaisseau fantôme, son capitaine et ses marins malheureux semblant condamnés à hanter à jamais les limbes de l’Histoire.

 À Mulhouse, à La Kunsthalle, jusqu’au 16 novembre

03 69 77 66 47 – www.kunsthallemulhouse.com

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