Pour le Plaisir des Paradoxes

Avec quatre cents kilos de glace, huit congélateurs et une pelle, la jongleuse Phia Ménard livre une expérience totalement givrée : P.P.P. ou le questionnement identitaire à l’aune des éléments naturels.

En s’emparant d’une substance inhabituelle – la glace – la compagnie Non Nova prend le risque de se retrouver dans une Position Parallèle au Plancher. Au sol, les quatre fers en l’air. Jongler avec cette matière se transformant à mesure qu’elle fond, emporte le seul être en scène dans une chorégraphie bousculant nos repères habituels, interrogeant la finitude des choses, la transformation et l’identité. Dans un espace vidé, comme un logement après le passage des huissiers, plus rien hormis quelques congélateurs ne subsiste. Phia Ménard, silhouette solitaire assise dans un fauteuil de glace, n’a pas encore quitté son manteau de fourrure et sa chapka. La fusion de la matière évoluant lentement vers l’état liquide changera la donne. Pour la metteur en scène et interprète, « les objets congelés se transforment au contact de la peau et de l’air, laissant apparaître, petit à petit, une mare d’eau telle un bassin de larmes… » dans ce qui s’approche d’une « métaphore de nos traces ».

Photo de Jean-Luc Beaujault

Les boules de glace, superbement suspendues aux cintres formant un ciel blanc, gouttent et finiront par venir se fracasser au sol. Comme un augure de la violence de la confrontation au réel. L’interprète quittant sa veste est un être androgyne, musculature sèche d’homme portant des sous-vêtements féminins. Le froid nous gagne, l’empathie grandit pour celle (ou celui, difficile de savoir…) dont la peau rougit à vue d’œil. Armé d’une pelle, ce personnage dont la féminité semble prendre le dessus se fait poète visuel. Le tas de neige (ou de glace pilée) devient un cercle parfait dans lequel il tourne comme un cheval au manège. Le corps est questionné dans sa chair, mise à mal lorsqu’il revêt une robe détrempée pour une gigue devenant une ronde virevoltante proche des claquettes. La douleur rôde et se transmet avec une simplicité puissante, une ingéniosité de la forme. En quelques coups de pelle, le cercle devient tourbillon. En son centre, notre jongleur sur glace en plein coming out piétinera le tout, s’affranchissant des codes et des formes pures qu’il enverra voltiger dans les airs, en se donnant définitivement des “elle”.

À Besançon, à l’Espace, mardi 15 et mercredi 16 avril
03 81 87 85 85www.scenenationaledebesancon.fr

À voir également
L’après-midi d’un foehn & VORTEX, au Théâtre de Hautepierre, à Strasbourg (co-accueil des Migrateurs et du TJP), du 10 au 14 mai
www.lesmigrateurs.euwww.tjp-strasbourg.com
www.cienonnova.com
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