Pour la modernité

Fauteuil Jua Kali par Chris à Kibera © Philippine Chaumont

La vingt-quatrième édition de ST-ART, foire dédiée à la création contemporaine, « joue un rôle essentiel dans le paysage culturel hexagonal », explique Patricia Houg, la directrice artistique.

Strasbourg Événements, organisateur, inaugurera prochainement un nouveau Parc des Expositions. L’édition 2019 aura donc lieu dans une structure temporaire. Peut-on parler d’une manifestation transitoire ?
Sur le papier, oui, mais c’est surtout la préfiguration du prochain ST-ART qui prendra place dans un espace réalisé par le cabinet d’architectes Kengo Kuma & Associates* : clair, lumineux, où l’on peut faire bouger les lignes et renouveler les choses, même si les fondamentaux de la foire vont demeurer identiques. Nous avons besoin d’un bel écrin, qui respire. Nous étions dans un bâtiment ancien, de 12 000 mètres carrés certes, mais tout en longueur, sans allée centrale ni le charme des friches industrielles. Nous aurons des espaces de repos permettant des temps de contemplation qui sont absolument nécessaires. Enfin, les visiteurs auront la possibilité de tout voir, dans des conditions optimales !

Cette année, vous présentez une exposition dédiée à un objet, la chaise, avec des pièces iconiques de Prouvé ou Thonet. Avez-vous pour volonté d’installer durablement cette ouverture au design ?
On ne refait pas l’histoire : beaucoup d’artistes s’intéressent à la production industrielle et de designers à la réalisation de pièces uniques. La porosité entre les deux domaines est grande. Le design est un marqueur de son temps ! Je suis pour la modernité, donc je dois m’intéresser à toutes les créations. L’idée n’est pas de concevoir une foire de design mais de s’ouvrir à cette pratique, capable de nous mener à un imaginaire invraisemblable.

Vous pliez-vous à un effet de mode en proposant un focus sur le street art cette année ?
Non, il s’agit d’une revendication ! Nous sommes les premiers à avoir montré cet art, alors décrié : ST-ART a été précurseur en présentant des artistes urbains dès 2005. Les personnes qui ont suivi nos conseils à l’époque ont bien fait de nous faire confiance. Ceux qui ne nous ont pas pris au sérieux passent pour des couillons aujourd’hui [rires].

Vous ne trouvez pas paradoxal qu’un geste urbain se trouve enfermé dans un white cube ?
Il s’agit en effet d’une écriture, parfois collaborative, déplacée de la rue à l’atelier, ce qui peut paraître un non sens. C’est un art vivant… qui pose question et ouvre le débat. Chaque année, il faut réfléchir aux champs qui ne sont pas exposés et qu’il faudrait présenter dans la capitale européenne.

En quoi votre foire s’inscrit-elle dans un contexte de « marché complexe », selon vous, alors que des œuvres battent des records ces derniers temps ?
On fait souvent l’amalgame entre ce qui se passe en salles de ventes et dans les galeries dont plus personne ne pousse les portes ! Les galeristes jouent ce rôle très difficile de pro- moteur de jeunes créateurs. ST-ART leur permet de voir défiler 22 000 visiteurs, et donc autant d’acheteurs potentiels. Ils sont directe- ment confrontés à la réalité : c’est primordial dans cette société du zapping. Leur chiffre d’affaires permet la production, la diffusion et la création des œuvres de demain. Nous sommes leader d’opinion, il ne faut pas être suiveur. Dans les grands rendez-vous, en Europe ou aux États-Unis, 80% des exposants sont locaux. Nous avons 73% d’exposants français. Si un jour ST-ART n’existe plus, quid de la représentation de la création française ?

Tous les stands sont-ils à la hauteur de vos ambitions ?
Non et alors ? Qui n’a pas, dans sa garderobe, un pull-over de mauvais goût ? Une bonne foire est une foire où l’on trouve quelque-chose à acheter qui nous procure de l’émotion. Quelle importance d’avoir l’artiste clef du moment ? L’important est de faire des découvertes d’œuvres qui semblent avoir été réalisées expressément pour vous.


Au Parc des Expositions (Strasbourg), du 15 au 17 novembre
st-art.com

* Livré au printemps 2021 pour une première partie et en 2022 dans sa totalité, voir Poly n°224 ou sur poly.fr

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