Planète claire

Joost Swarte, Exercices de Style (détail), 2008, courtoisie de l’artiste

Des précurseurs au revival eighties, en passant par l’âge d’or de la BD franco-belge, Les aventures de la Ligne claire, le cas de Herr G. & Co, explore, avec de multiples planches originales et dessins, les circonvolutions d’un style dont le créateur de Tintin est le plus éminent représentant.

Le terme est forgé en 1977, dans la catalogue d’une exposition dédiée à Tintin à Rotterdam, par le néerlandais Joost Swarte pour qui la ligne claire désigne « une manière de dessiner qui implique les principes suivants : les surfaces sont délimitées par une ligne d’épaisseur constante, avec des contours francs, elles sont mises en couleur par aplats, sans ombrages ni hachures ». La définition colle parfaitement à Hergé et à ses complices du journal Tintin dans l’après-guerre : Edgard P. Jacobs (Blake et Mortimer), Jacques Martin (Alix et Lefranc), Albert Weinberg (Dan Cooper) ou Willy Vandersteen (Bob et Bobette), pour les plus connus. Leurs planches originales sont présentées au Cartoonmuseum avec notamment une merveilleuse couverture de La Vallée des cobras, un album de Jo, Zette et Jocko, série signée Hergé.

Au fil des salles, le visiteur plonge dans les racines de cette ligne claire au cours des années 1930 en Europe (Zig et Puce d’Alain Saint-Ogan) et aux États-Unis (George McManus) puis découvre sa descendance. Après la révolution opérée par Pilote ou Métal Hurlant dans les années 1960-70, reléguant Hergé et compagnie au rayon des gentils ringards un brin gnangnans, la ligne claire reprend du poil de la bête dans les années 1980 : si le dessin de Serge Clerc, Yves Chaland (Freddy Lombard) ou Ted Benoit (Ray Banana) épouse les canons “historiques”, si leur narration est fluide, leur propos se fait résolument moderne et souvent subversif… C’est aussi le cas du drolatique Léon Van Oukel de Theo van den Boogaard qui allie une limpidité old school du trait et un humour très incorrect, ultra grinçant et vulgaire en diable. Le décalage est parfait tout comme chez Joost Swarte qui alterne scènes de cul rigolotes et recherches typographiques hardies, inspirées du mouvement De Stijl ou du Futurisme, créant des personnages tonitruants comme Jojo de Pojo, face obscure de Tintin (que l’on imaginerait pas, à quatre pattes, lécher le sexe d’une demoiselle gironde) ou le sidérant Anton Makassar. Pour Chris Ware, ultime avatar de la ligne claire made in USA, le Batave « a rendu le monde meilleur depuis qu’il l’a délicatement altéré ». Une définition qu’on peut aussi appliquer à Exem, dessinateur helvète de pastiches délirants de Tintin – alias Zinzin – comme Le Jumeau maléfique dont la couverture présente le reporter à la houppette empalé sur la pointe de l’avion star du premier opus de Blake et Mortimer, l’Espadon. La boucle est bouclée.

À Bâle, au Cartoonmuseum, jusqu’au 9 mars
+41 61 226 33 60 – www.cartoonmuseum.ch

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