Petits suisses

© Philippe Weissbrodt (Hocus Pocus)

La 29e édition de Momix, festival international jeune public, prend des airs helvètes. Guide des découvertes à faire à Kingersheim.

Avec une cinquantaine de spectacles dont une vingtaine de créations, Momix continue d’être un des rendez-vous qui comptent dans le monde du spectacle vivant à destination du jeune public. Après les Flamands et les Allemands, c’est aux Suisses que le festival offre un coup de projecteur. L’occasion de découvrir Cloud de Perrine Valli (31/01, Espace Tival, Kingersheim, dès 8 ans). La chorégraphe genevoise implique une vingtaine d’enfants de chaque ville de représentation de ce spectacle questionnant notre rapport à la technologisation du monde et les modifications qu’elle entraîne dans nos relations et nos corps. Sur un texte de Fabrice Melquiot et une musique électronique signée Polar, les enfants-danseurs, munis de casques audio lumineux brillant de couleur bleu dans l’obscurité, forment un nuage hyper-connecté. Elle distille ses consignes en live dans les casques, instaurant un rapport d’exécution qui illustre la manière dont l’environnement numérique guide aujourd’hui les êtres. Leur rêve éveillé, aux atours de dictature digitale, est perturbé par l’arrivée d’un acrobate venu du ciel, se mouvant tout en douceur autour d’un mât chinois. Une quête d’horizon et d’ailleurs, une invitation à relever la tête vers les nuages, les vrais !

© Magali Dougados (Cloud)

Double dose
La compagnie Moost signe pour sa part deux créations. Dans le solo Take care of yourself (08/02, Hangar, Kingersheim, dès 12 ans), Marc Oosterhoff se confronte au risque. Il s’autodéfie, pensant ainsi se voir révéler son caractère. Au beau milieu d’une bouteille de whisky, d’une quinzaine de verres à shot, de couteaux, de boulettes de papier, d’une corbeille et de pièges à rat, le chorégraphe et danseur joue le tout pour le tout. Entre performance et cirque contemporain, il « envoie balader les normes sécuritaires qui balisent et aseptisent notre quotidien : interdiction de se baigner ici, défense de grimper là, attention à la fermeture des portes, zone sous vidéo surveillance… » Aux jeux d’adresse enfantins succèdent d’autres, plus dangereux, entre tapette à rat et lame de couteau dans une volontaire soumission à la douleur qui guette, ultime manière de se sentir vivant. Dans Les Promesses de l’incertitude (07/02,Espace Grün, Cernay), le voilà qui danse avec tout un tas de dispositifs de guindes et de poids, d’échafaudages à l’équilibre précaire. Sa recherche d’équilibre, portée par les sons cosmiques de Raphael Raccuia, ne laisse rien au hasard. Il défie sa destinée en tentant de régir les lois de la gravité du monde qu’il s’invente.

© Laura Morales (Les Promesses de l’incertitude)

Magie blanche
Dans la droite lignée de Vacuum, présenté au dernier festival Reims Scène d’Europe, le chorégraphe Philippe Saire poursuit avec lyrisme sa création de peintures fantastiques en utilisant des illusions d’optique créées par deux néons flottant à l’horizontale au-dessus du sol. Dans Hocus Pocus (07 & 08/02, La Filature, Mulhouse, dès 7 ans, puis en tournée à la BAM, Metz, 03/06), ils aveuglent partiellement le public, créant une sorte de trou noir entre les deux. Captivé par ces ondes lumineuses, le regard s’attache à la découverte des parties du corps des deux danseurs qui émergent de l’obscurité avant d’y replonger subrepticement. Ce jeu d’apparitions / disparitions fantastiques perturbe les sens autant qu’il défie le réalisme. Ce cadre fonctionne comme un castelet lumineux duquel surgissent dans un humour de situation bien ficelé une toile d’araignée, un chevalier ou un monstre marin. Lorsque les deux interprètes écartent les bras, nous voilà face à deux oiseaux pris dans les bourrasques d’une tempête. Chacun recomposera ces fragments d’histoires successives et labyrinthiques sur la musique onirique du Peer Gynt d’Edward Grieg. La relation fraternelle qui se tisse constitue le fil rouge d’Hocus Pocus : un voyage féerique fait d’épreuves et soutiens, portée par une inventivité corporelle et chorégraphique.

© Philippe Weissbrodt (Hocus Pocus)

Et pour les plus grands ?
Parmi les propositions de Momix se dégagent aussi des spectacles pour les plus grands. Ainsi, la compagnie Actémo Théâtre de Delphine Crubézy propose un collage de deux textes de Françoise du Chaxel (Ce matin la neige et Mon Pays de sable et de neige, tiré de récits de réfugiés libanais). Vous êtes ici – Dans ma poche d’exilée, un flocon de neige (07/02, Le Hangar, Kingersheim, dès 14 ans, puis 11/02, Théâtre-Maison d’Elsa, Jarny) confronte le destin d’une ado alsacienne prise dans l’exode en 1939 et celui de C., exilée d’aujourd’hui qui peine à trouver place dans son pays d’accueil avec mari et enfants. Quant à la compagnie Brounïak, elle entend redonner ses lettres de noblesse à la notion de conflit, le tout sans violence ni recherche de consensus. Baston ? (28/01, Théâtre Ici et Là, Mancieulles, puis 04/02, Village des enfants, Kingersheim, puis à La Halle au Blé, Altkirch, dans le cadre de Momix en balade, dès 14 ans). Dans un espace tri-frontal au plus près d’une arène partagée par trois comédiens-danseurs-musiciens, chacun va se (dé)battre entre humour, réflexion et poésie.


Dans différents lieux de Kingersheim et de ses environs, du 30 janvier au 9 février
momix.org

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