Passage de crayons

© Marie Secher

Terreau de la jeune pousse, Strasbourg se transforme en vitrine, sous le regard du maître Tomi, dans un événement réunissant les cinquièmes Rencontres de l’Illustration et les dix ans du Festival Central Vapeur.

Un an que l’illustre Tomi Ungerer, père des Trois brigands et Jean de la Lune, a cassé sa mine. Les Rencontres de l’Illustration lui rendent hommage, lui qui a contribué à « faire de la région une terre riche de talents de par son rayonnement et les vocations qu’il a suscitées chez les jeunes, comme c’est le cas pour Marion Duval, à qui l’on doit la réinterprétation de l’univers de Tomi dans l’affiche de cette édition », assure Thérèse Willer, directrice du Musée consacré à l’artiste. De Tomi Ungerer à la jeune création peut-on lire sur l’affiche, comme un manifeste. Marion Duval, illustratrice diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg est honorée de l’avoir « réalisé car il s’agit d’un événement majeur de l’illustration. Au delà de la visibilité, rendre hommage à ce géant qui m’a inspiré petite me per- met de me sentir d’avantage impliquée dans la thématique de cette année. » Graphiquement, elle « valorise la jeune création portée par la montagne géant-brigand, donnant à voir un océan de nuages, symbole de réussite. Très précaire, cette jeune pousse a besoin d’être soutenue pour gravir cette montagne. Portée par Tomi, on se sent plus grand, mais souvent ça ne suffit pas » conclut-elle. Musées, bibliothèques, écoles et autres institutions déclinent et réinterprètent le travail de l’illustrateur dans plus de trente lieux. Ainsi, les étudiants de la Haute École des Arts du Rhin proposent Vade Retro Tristanas, exposition née d’un workshop avec Pascal Leyder artiste belge, représentant l’état d’esprit d’une personne atteinte d’un handicap. Dessins, gravures et textiles, chaque illustrateur y développe sa technique contribuant à la naissance d’un style propre.

Dialogue de dessins de Manon Debaye

Fêter l’illustration
Les Rencontres et le Festival Central Vapeur ont pour objectif commun de « diversifier les genres représentés et de toucher différentes générations », appuie Fabien Texier, directeur de l’association Central Vapeur, qui a investi les locaux du Garage Coop. Que ce soit pour valoriser le patrimoine avec des expositions à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg et aux musées, ou la création artistique avec des ateliers et rencontres dans la ville, ils défendent un savoir-faire et un trésor culturel. À l’occasion des dix ans de l’association et des Éditions 2024, deux expositions, revenant sur les parcours de l’illustration indépendante, seront organisées : Le grand sommet des Micro-nations, dévoile à la BNU quarante-deux kakémonos représentant des drapeaux de nations imaginaires (comme le Royaume d’Irae), librement interprétés par des illustrateurs et illustratrices ayant « contribué au rayonnement de Central Vapeur, à l’instar de Lisa Blumen, aujourd’hui lauréate du Prix UNICEF du livre jeunesse pour Gros Ours », indique Fabien Texier. La seconde retrace le parcours des Éditions 2024 proposant un labyrinthe interactif pour le parvis de Palais Rohan qui plonge l’espace public dans l’univers graphique des différents albums de ses auteurs. Si les Rencontres investissent pour la première fois les rues, la chasse aux trésors culturels se prolonge avec le lancement « d’un grand jeu en hommage à Tomi reliant les différents musées de la ville et permettant de collecter six pièces d’un puzzle qui, une fois réunies, donnent à voir un dessin des Trois brigands absent de l’album » annonce Thérèse Willer.

Affiche de Marion Duval

Géant de papier
Riche de ses talents, Central Vapeur porte un point d’honneur à « développer la défense de ce vivier d’illustrateurs. » Le festival de l’association établit « une programmation qui représente différentes tendances de l’illustration et formes de diffusion. Cela va du réseau indépendant dont le collectif franco-belge Frémok est le parfait exemple, aux gros éditeurs comme Albin Michel » témoigne le programmateur artistique. Le Salon des Indépendants permet aux éditeurs, micro-éditeurs et collectifs invités de proposer un panorama des méthodes et supports existants tout en étant « un générateur de rencontres entre auteurs-illustrateurs et éditeurs et un moment d’échanges entre les acteurs de l’illustration et les passionnés. » Comme à chaque édition, le Dialogue de dessins, qui oppose cette année Frédérique Bertrand (New York en Pyjamarama, 2011) à Manon Debaye, et la Battlestar, bataille de dessins par équipe projetée en direct au cinéma Star, sont l’occasion de découvrir des performances festives dans un cadre inhabituel. Pour Fabien Texier, c’est une bonne chose que Central Vapeur et les Rencontres s’organisent à la même période pour « permettre de tirer vers le haut les deux événements. Les Rencontres bénéficient de la partie indépendante de l’illustration et de la notoriété de nos artistes invités et nous sommes découvert par un public qui n’a pas l’habitude d’être confrontés à différents styles graphiques. »


Les Rencontres de l’Illustration et le Festival Central Vapeur (Strasbourg), du 19 au 29 mars
centralvapeur.org
strasbourgillustration.eu

Vernissage des Rencontres à la BNU et du Festival Central Vapeur au Garage Coop (Strasbourg), le jeudi 19 mars

Exposition d’illustrations de Marion Duval sur le Quai des bateliers (Strasbourg), du 19 au 29 mars

Exposition Ça vaut le détour, objets détournés de Tomi Ungerer et François Duconseille à Apollonia (Strasbourg), du 21 mars au 3 avril

Central Vapeur s’expose aussi à Metz, Nancy et Chaumont

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