More than naked

Bestie di Scena © Masiar Pasquali

Les deux Scènes nationales de Montbéliard et Belfort signent une nouvelle édition d’Europe en scènes, festival aux formes inattendues.

Certains diraient prises de risque dans un contexte difficile, d’autres parleraient d’audace. Yannick Marzin manie les deux avec doigté à MA Scène nationale depuis 2010. Si le Ministère de la culture vient de lui confier, en sus, la direction du Granit de Belfort, c’est pour déployer un projet aussi ambitieux que celui qu’il mène sur le territoire de l’ex Pays de Montbéliard, collant aussi au rapprochement des deux villes au sein du Syndicat mixte de l’aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt-Delle. Europe en Scènes, le festival printanier qui donnait corps jusqu’alors à des soucis convergeants de programmation, prend cette année les atours de premier événement monocéphale. Et force est de constater que la ligne artistique ne dévie pas d’un poil. Après des éditions ayant vu défiler, parmi d’autres, les exaltants Tiago Rodrigues et Sanja Mitrović, voilà que cette année les têtes d’affiche se nomment Emma Dante et Josse De Pauw.

La Belle et les Bêtes
L’enfant terrible du théâtre italien, Emma 
Dante, ne s’est pas assagie. Depuis plusieurs décennies, elle pourfend inlassablement les carcans sociaux ne reculant devant aucun des tabous actuels : les mystères des relations entre fratries, nos relations à la mort, les troubles existentiels, l’inceste, la violence, l’Église, la mafia, la liberté sexuelle ou encore l’homosexualité. Bestie di Scena (03/04, Théâtre de Montbéliard, dès 16 ans), l’un de ses plus décriés, regroupe 16 comédiens et comédiennes entièrement nus dans une choré- graphie ou l’insolence le dispute au désordre. Ni texte, ni décor. Une intrigue se devinant dans le rapport de l’individu au groupe, dans les différences corporelles et les jeux plus ou moins accessoirisés allant de la bataille rangée à l’étreinte sans fard, du statut de bête de foire dont on rit grassement à celui, plus jaune, de personne à poil obéissant à un chef de troupe fort peu sympathique. Une réflexion sur la contrainte et le regard, la dérision, le dénuement du monde factice des objets et le dénudé des êtres.

Les Héros © Kurt Van Der Elst

We could be heroes
L’immense comédien Josse De Pauw s’interroge dans un monologue accompagné par les créations musicales de Dominique Pauwels sur Les Héros (06/04, Granit de Belfort). Comme s’il reprenait à son compte les premiers mots de David Bowie « I, I wish you could swim / Like the dolphins / Like dolphins can swim », il s’imagine au bord d’une rivière, voyant une jeune femme se noyer et ne rien pouvoir faire, car il ne sait pas nager. Mis au ban de la société pour ne pas l’avoir sauvée, il explore le sentiment de responsabilité, les limites de l’appartenance à une communauté. Une ré exion en forme de mise en abîme intime, physique et picturale, sur l’héroïsme et ses gures potentielles actuelles. Pas celles des ados, qu’ils soient sportifs ou rappeurs, mais plutôt celles capables de faire don de leur vie, prêtes à se sacri er à la guerre ou à disparaître en se retirant du monde tels les samouraïs du Japon ancien.


À MA Scène nationale (Montbéliard) et au Granit (Belfort), jusqu’au 7 avril

mascenenationale.com
legranit.org

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