Monk de fou

Jazzman érudit né à Washington, Laurent de Wilde voue un culte à Monk. Cette véritable encyclopédie vivante fera part de sa passion pour le pianiste au festival Nancy Jazz Pulsations.

Depuis quand êtes-vous un fou du son1 ?
La musique me berce depuis ma naissance, en 1960, l’âge d’or de toutes les expérimentations électroniques, avec les pianos électriques. Pour mes treize ans, j’ai eu un orgue Farfisa et une pédale capable de monter d’une octave en “tordant” le son : ça me mettait dans un état second. J’ai poursuivit le clavier, en grandissant, dans la tradition du jazz acoustique tout en gardant un pied dans l’avant-garde. À mon retour aux Etats-Unis, après avoir vécu en France, dans les années 1980, j’économisais soigneusement pour acheter le Yamaha DX7, le Roland D-50, le Korg M1, etc.

En quoi le piano est-il un instrument « autosuffisant », capable « de pousser le rythme, l’harmonie et la mélodie en même temps » ?
Avec ses six cordes, la guitare ne peut pas dire autant que le piano et ses 88 touches ! Le clavier est une machine instrumentale, un concept de puissance, les piliers de la musique – rythme, harmonie et mélodie – mis à disposition sous nos doigts.

Vous avez édité un ouvrage sur le pianiste Thelonious Monk2. Vingt ans plus tard, en 2017, pour commémorer le centenaire de sa naissance, vous sortiez un disque / hommage3. Pourquoi Monk ?
C’est un personnage littéraire extraordinaire : son univers est un réservoir romanesque inépuisable. Musicalement, il semble complétement familier et totalement étranger. Au cœur de la révolution be-bop, il jouait de manière absolument unique, comme un bout de météorite tombé dans le jardin. Nous ne pouvons que nous incliner devant la beauté de sa musique et sa fausse simplicité.

Est-ce nécessaire de faire une relecture d’un artiste dont vous encensez la modernité ?
C’est une grande question dans le jazz et le classique où l’on rejoue inlassablement les mêmes partitions… Comme de très nombreux musiciens d’aujourd’hui, j’ai voulu à mon tour offrir une relecture de Monk, mais surtout sans le copier, en y mettant ma personnalité ! Comme disait Oscar Wilde : « Ne cherche pas à être quelqu’un d’autre, la place est déjà prise. »

À quand un nouvel album davantage électronique ?
J’y travaille, sans me donner de date butoir. J’aimerais retrouver la spontanéité, parfois casse-gueule, de la manipulation analogique : effets, boucles… non pilotés par un ordi. C’est un magnifique outil, mais parfois, l’ordinateur est un ordonnateur !


À La Manufacture (Nancy), samedi 19 octobre, dans le cadre de Nancy Jazz Pulsations (avec Metronomy, Raphael Saadiq, Omar Souleyman, Lee Fields, Catherine Ringer…) du 9 au 19 octobre
nancyjazzpulsations.com

1 Laurent de Wilde est l’auteur des Fous du son, d’Edison à nous jours, pavé édité par Grasset (2016) traitant « des inventeurs, bien plus tarés que les artistes » : Theremin, Martenot, Schaeffer… – grasset.fr

2 Laurent de Wilde New Monk Trio, avec Jérôme Regard (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie), édité par Gazebo (2017)

3 Monk, édité par Gallimard (1997)

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