Vert persan au Maillon

En transit © Magali Dougados

Avec ses Espaces d’exil, Le Maillon poursuit son exploration des migrations en accueillant deux pièces ancrées dans l’Iran contemporain.

De sa chevelure fougueuse et ondulée, il ne reste quasiment rien. Comme si Gurshad Shaheman avait anticipé à sa manière la contestation populaire bousculant le régime autoritaire iranien depuis la mort de Mahsa Amini sous les coups de la police des mœurs. Les voiles tombent, les femmes coupent leurs cheveux mais la répression s’organise. Depuis la France, ses Forteresses (02-04/02) éclairent un demi-siècle d’histoire contemporaine de son pays natal, et offrent une lecture fine des soubresauts qui l’agitent. Ses yeux verts perçants voisinent sur scène avec ceux de sa mère et de ses deux tantes, qu’il a longuement interrogées sur leurs vies pour écrire cette pièce. La famille est là, sur des tapis persans, rejouant les gestes du passé, mais ce sont trois comédiennes qui portent leurs monologues, revenant sur les espoirs de la révolution renversant le Shah, les rêves de liberté et de démocratie vite douchés par la prise en main des intégristes mettant au pas une gauche radicale divisée. Tout y est : les bombardements de la guerre avec l’Irak, le poids de la religion et l’endoctrinement dès l’école, les mariages arrangés et la jeunesse volée, la répression et la torture dans l’immuable prison d’Evin, toujours active. Mais aussi les chants, en azéri, contant l’amour et l’absence. Une génération née à la fin des années 1950, dont l’exil sera le royaume pour deux d’entre-elles. Destins croisés de femmes courageuses, capables de surmonter des unions ratées, les embuches et humiliations des demandes d’asile en Europe avec leurs enfants. 


Poètes… vos papiers ! 

Depuis plus de deux décennies, Amir Reza Koohestani vit sur plusieurs fuseaux horaires, créant et jouant ses pièces sur les plus grandes scènes du monde. À l’instar des cinéastes Jafar Panahi (de nouveau incarcéré par le régime alors qu’il est interdit de tournage depuis plus d’une décennie) ou d’Asghar Farhadi, cet Iranien participe à un renouveau de la tradition théâtrale, centré sur des histoires quotidiennes aux fortes dimensions sociétales. Sa critique des mœurs conservatrices se noue au cœur d’une certaine poésie, d’un art du dialogue ciselé et du jeu aussi contenu qu’intense. Il présente En transit (25-27/01), dans lequel il entremêle le roman d’Anna Seghers décrivant le sort de ceux qui tentent, durant la Seconde Guerre mondiale, de fuir le régime nazi depuis Marseille, à sa propre détention en 2018, à l’aéroport de Munich, avant d’être renvoyé à Téhéran pour avoir dépassé son droit de séjour dans l’espace Schengen. Lieux et époques se répondent dans un espace froid et vitré, où des exilés ploient sous les injonctions administratives, en quête de liberté de vivre, scrutés par des caméras dédoublant leurs présences autant qu’elles renforcent le sentiment d’enfermement. S’y révèlent des destins de femmes au milieu d’une déshumanisation sidérante… et pourtant toujours à l’œuvre. 


Au Maillon (Strasbourg) du 25 janvier au 4 février
maillon.eu 

> Huit artistes afghans ayant fui leur pays à l’été 2021 au retour des Talibans ont été accueillis à Strasbourg grâce à la mobilisation des grandes structures culturelles. Ils présentent leurs travaux le samedi 28 janvier. 

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