L’heure d’été

Festival de Colmar / Clara Jumi-Kang, Copyright Marco Borggreve

Sonorités délicatement françaises de Berlioz, minimalisme made in USA de Philip Glass, pyrotechnie vocale rossinienne, classiques du romantisme germanique comme Schubert ou Brahms, extases baroques vénitiennes signées Vivaldi… Le paysage des festivals classiques de l’été 2017 s’annonce une fois encore protéiforme. Présentation des rendez-vous essentiels.

Un monstre sacré du paysage musical mondial : tel est Michel Plasson (voir entretien page 35), chef mythique à qui le 29e Festival international de Colmar rend hommage à travers une programmation explorant les arcanes du répertoire français dont le maestro est un ardent défenseur. Les joies symphoniques voisinent avec les incursions chambristes : de Chabrier à Bizet – dont sera donnée la Symphonie en ut majeur par la baguette inspirée d’Emmanuel Plasson (07/07) –, en passant par Saint-Saëns et Chausson (un duo auquel s’attaquera le Trio Wanderer, 13/07), c’est un voyage tout en transparences et en délicatesse qui nous attend. Avec des stars de la galaxie classique comme le très rare Grigory Sokolov (fidèle de la manifestation depuis 2006) qui se plongera dans Mozart et Beethoven (12/07), Colmar s’affirme comme un festival qui compte, tout comme les Ludwigsburger Schlossfestspiele où irradiera le talent du plus français des pianistes installés aux USA, Jean-Yves Thibaudet dans le Concerto de Gershwin (29/06). Son style ? « Tout n’est qu’une question d’échelle : jouer avec un orchestre, c’est aussi faire de la musique de chambre », résume-t-il. Autres vedettes, la violoniste Isabelle Faust à l’inspirée rigueur, idéale pour un programme 100% Bach (30/06) ou le roi du clavier Menahem Pressler (07/07). De grands noms, il est également question au Festival d’Echternach avec la résidence du violoniste Daniel Hope qui donnera plusieurs programmes dont une attendue soirée avec l’Orchestre philharmonique du Luxembourg pour un Concerto n°1 que Philip Glass (06/07) écrivit pour rendre hommage à son père : « Ses œuvres favorites étaient des concertos pour violon et j’ai grandi en écoutant ceux de Mendelssohn, Paganini ou Brahms. Ainsi, quand j’ai décidé d’en écrire un, j’ai voulu quelque-chose que mon père aurait aimé », explique-t-il.

Festival de Montperreux / Tulipatan

La voie des voix

Au rayon opératique, immense coup de cœur pour le Festival lyrique de Montperreux avec son incroyable fraîcheur : on y entendra la bondissante bouffonnerie d’Offenbach L’Île de Tulipatan (12/07) ou un attendu récital de Laurent Naouri (16/07), un des maîtres du chant français. Moins connu que son homologue se déroulant à Pesaro, cité natale du musicien, le Festival Rossini de Bad Wilbad installe le soleil du bel canto en pleine Forêt noire, faisant notamment (re)découvrir l’excellent Aureliano in Palmira (14 & 22 07), une fable se déroulant dans le désert syrien à l’époque de la Reine Zénobie qui contient le plus beau duo écrit par le compositeur… si on en croit les mots de Stendhal. Mais le temps fort de la manifestation sera Maometto II (15, 20 & 23/07) présenté dans sa version originale – dite “napolitaine” – sans happy end ! Le plus ? Une distribution de haute volée avec Mirco Palazzi dans le rôle du sultan ottoman et Antonino Fogliani, un rossinien d’exception, à la baguette ! Curiosité cette année, la traditionnelle tournée d’Opéra en plein air qui passe par la Lorraine, au Château de Haroué (01 & 02/09) avant de s’achever à Paris aux Invalides (07-09/09). Elle propose une version des Noces de Figaro de Mozart qui sonne comme un adieu musical à la Hollandie : la mise en scène est signée Julie Gayet, tandis que la violoniste Anne Gravoin – épouse de Manuel Valls – préside Music Booking Orchestra qui assure la partie instrumentale de l’aventure. Politique, vous avez dit politique ?

Festival Musique et Mémoire © Nicolas Maget

Machines à remonter le temps

L’été est propice à la plongée dans des sonorités préromantiques : parmi de nombreuses manifestations, citons le bien nommé Musique et mémoire associant répertoire baroque et joyaux patrimoniaux des Vosges du Sud. Pour sa 24e éditions, deux ensembles sont en résidence : Les Timbres et Alia Mens qui propose un fascinant voyage au pays de Bach en plusieurs étapes avec notamment ses Concertos brandebourgeois (30/07, Basilique Saint-Pierre de Luxeuil-les-Bains). Au 39e Festival de Fénétrange où les extases sonores répondent aux joies des papilles, nous partirons en 1685, année essentielle où naquirent Bach, Haendel et Scarlatti ! Le must ? La voix de Max Emanuel Cenčić pour un programme Porpora / Haendel (16/09). On retrouvera le flamboyant contre-ténor au 20e Festival de Froville pour une plongée dans le baroque tchèque autour de Jan Dismas Zelenka (10/06). Il sera en belle compagnie dans la chapelle lorraine à l’acoustique invraisemblable, puisqu’on y retrouvera notamment Jordi Savall (30/06) et Les Cris de Paris (09/07). Autre anniversaire, celui de Voix et Route romane, manifestation mettant la musique médiévale à l’honneur, qui célèbre sont quart de siècle par un programme à la thématique qui sonne comme une évidence : Le Temps des fêtes.

Festival de Wissembourg / Akiko Yamamoto

 

Musique en chambre

Pour sa 22e saison, Musicalta (pays de Rouffach), à la fois festival et académie classique, permet un beau grand écart entre programmes classiques – comme le duo composé du violoniste Franco Mezzena et du pianiste Stefano Giavazzi autour de Beethoven et Ravel (23/07) – et découverte de compositeurs contemporains comme Emil Sjören (18/07). C’est ce même esprit qui anime le 13e Festival de Wissembourg où l’on retrouvera des habitués comme les Quatuors Zemlinsky (21 & 24/08) et Ebène (02 & 03/09) : la classe mondiale ! Autres émotions en perspective aux Nancyphonies placées sous le signe du piano avec des récitals de Roger Muraro (22/07) ou Pierre-Laurent Aimard (07/07) et au SOLsberg Festival fondé par la violoncelliste Sol Gabetta qui y invite ses amis pour huit concert rayonnants ! Enfin, on craque à nouveau pour Les Vendredis de Saint-Pierre-le-Jeune dont le nouveau directeur artistique Simon Prunet-Foch reste fidèle à l’ambition initiale de la manifestation : proposer chaque soir trois rendez-vous variés. Les incontournables ? Un duo entre l’organiste Thomas Kientz et la soprano Amy Pfrimmer autour de la musique sacrée de César Franck (18/08) et l’ensemble Hortus Musicalis pour un concert autour de la mystique rhénane issu de recherches musicologiques sur un compositeur du XVIe siècle, Leonhard Lechner (07/07).

Festival de Froville

L’or des orgues

Sur les 7 000 orgues que compte l’Hexagone, l’Alsace en abrite 1 200 : il était juste que des manifestations lui rendent hommage comme le 41e Festival de Masevaux qui présente des instrumentistes de la nouvelle génération comme Paul Goussot pour des transcriptions originales de Bach, Haendel ou Mozart (06/08) et Jean-Baptiste Monnot (20/08). Enfin, gros coup de cœur pour le petit nouveau, Stras’Orgues qui fera vivre le patrimoine organistique exceptionnel de la capitale européenne de façon exigeante et innovante, entre dîner-concert au pied de l’orgue Renaissance de Saint-Paul (26/08), récital du virtuose Michel Bouvard (22/08, Cathédrale), parcours à rollers ou à vélo d’orgue en orgue (25/08) ou ciné-concert au Temple-neuf (23/08).

Jardins extraordinaires

Le 14e Festival des Abbayes en Lorraine poursuit sa réflexion en trois temps autour de la thématique “Nature et Jardins”. Après une promenade autour des symboles en 2016, le mot d’ordre est désormais enchantement et curiosité. Et c’est bien de cela dont il est question dans une Zauberflöte interprétée par les impeccables mozartiens de La Petite symphonie (17/06). Autres délicats plaisirs, des airs de cour et de ballet du Grand Siècle avec l’Ensemble Correspondances (01/07) ou des Polonaises de Wilhelm Friedemann Bach par Daniel Isoir au pianoforte (07/07). L’occasion de redécouvrir le premier fils de Jean-Sébastien qui traîne une mauvaise réputation, celle d’un être versatile doublé d’un ivrogne malhonnête. Méconnu et énigmatique, celui qui fut l’un des plus grands virtuoses de son époque laisse pourtant des œuvres expressives et brillantes.

Du 17 juin au 26 août, en les Abbayes de Senones, Moyenmoutier, Étival (mais aussi en la Cathédrale de Saint-Dié et à la scierie de la Hallière)

festivaldesabbayes.com

vous pourriez aussi aimer