Les Justes

© Jeff Rabillon

Udo Zimmermann retrace les dernières heures de deux résistants au nazisme, Hans et Sophie Scholl, dans un bouleversant opéra de chambre présenté à Nancy, La Rose blanche.

Deux chaises posées sur un plateau nu. Un éclairage blafard laisse deviner un sol de terre battue et un mur lépreux. Un homme et une femme. Ils sont rompus, mais debout dans leurs cellules respectives. Le silence. Brisé par un cri – « Schweine » (porcs) – suivi de sonorités métalliques, percussives et agressives. Les corps s’affaissent et se tordent, martyrisés par des bourreaux invisibles. Ils sont frère et sœur, ont une vingtaine d’années et se nomment Hans et Sophie Scholl. Nous sommes le 22 février 1943 et ils seront décapités dans quelques heures pour avoir fondé La Rose blanche, éphémère mouvement de résistance au nazisme qui aura vécu de juin 1942 à février 1943. Des slogans badigeonnés sur les murs de Munich, six tracts distribués à la sauvette, citant parfois Lao-Tseu : « L’homme supérieur est rigide sans heurter ; il a ses armes, mais ne blesse pas ; il est sincère, sans rudesse. Il est clarté, et non éclat superficiel ».

De cette douloureuse histoire, le compositeur allemand Udo Zimmermann a tiré un opéra de chambre, huis clos pour deux chanteurs (datant de 1987 ; une version sixties rassemblait plus de protagonistes, retraçant cet épisode comme une sorte de documentaire) incarnant deux destinées brisées pour avoir voulu se dresser contre l’innommable, animés par leurs convictions religieuses. Dans le livret de Wolfgang Willaschek, les mots des jeunes héros se mêlent à des poèmes et des textes, notamment de Dietrich Bonhoeffer, pasteur luthérien exécuté à Flossenbürg en 1945. Cette mélopée en forme d’épure, à la fois sereine et expressive, le metteur en scène Stéphane Grögler en a fait une parabole universelle, narrée par les deux protagonistes : « L’idée n’était pas qu’ils jouent des personnages mais qu’ils transmettent l’engagement de l’humain qui devrait nous toucher encore aujourd’hui, d’autant que Zimmermann sort des codes traditionnels de l’opéra. Ici il n’y a pas d’airs, ce sont vraiment deux monologues. On pense davantage à des gros plans de cinéma, à des focus qui explorent les émotions de véritables êtres humains. »

Au Théâtre de la Manufacture (Nancy), du 20 mai au 3 juin

www.theatre-manufacture.fr

www.opera-national-lorraine.fr

Rencontre avec les artistes à l’issue des représentations des 20 & 25/05 et du 01/06

Exposition La Rose Blanche, La résistance des étudiants allemands à Hitler, Munich 1942-1943 au Goethe-Institut (19/05-15/07) – www.goethe.de

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