Les Équilibristes

Vue de l’exposition © Peter Fischli & David Weiss / 2016 Calder Foundation, New York / ProLitteris, Zurich Photo : Mark Niedermann

La Fondation Beyeler installe un passionnant dialogue entre les mobiles poétiques d’Alexander Calder et les créations souvent absurdes du duo helvète composé de Peter Fischli et David Weiss.

Au premier abord, les œuvres de la figure tutélaire de l’Art moderne qu’est Calder n’ont que peu de choses en commun avec le duo de trublions Fischli/Weiss formé à la fin des seventies, trois ans après la disparition, en 1976, du créateur des célèbres mobiles (ainsi nommés par Marcel Duchamp). Commissaire de l’exposition de la Fondation Beyeler, Theodora Vischer tisse pourtant des liens subtils entre eux. À l’entrée de l’exposition, Rat et ours (endormis) voisine avec Otto’s mobile : deux peluches de la taille d’un petit enfant – incarnant avec dérision Peter Fischli et David Weiss – semblent somnoler, galopins repus, fatigués après un tour pendable, sous une construction élégante de fil de fer dont les pièces de métal colorées évoquent les toiles de Miró. Le ton est donné avec humour : dans les salles suivantes, le dialogue se poursuit sous le signe de l’équilibre. Instable, forcément. Dès les années 1920, avec son Cirque, Calder explore cette notion avec notamment une improbable pyramide d’acrobates. Encore immobiles, ses créatures de fil de fer préfigurent les sculptures abstraites qui vont suivre dans lesquelles tiges, câbles ou fils créeront le mouvement. La révélation s’était produite dans l’atelier de Mondrian : « Cette seule visite me fit ressentir le choc, ce choc qui, pour moi a tout déclenché. […] Et maintenant, à trente-deux ans, je voulais peindre et travailler dans l’abstrait » écrit-il dans son autobiographie, souhaitant « faire osciller dans des directions et à des amplitudes différentes » les tableaux du peintre. Ses créations ultérieures consisteront en une exploration d’essence poétique de la dialectique existant entre équilibre et déséquilibre, entre mouvement et immobilité. Cette précarité est également un des axes du travail du duo Fischli/Weiss issu de la scène alternativo-punk zurichoise. De manière frontale, ils créent la série des Équilibres dans les eighties, assemblages invraisemblables et hétérogènes d’objets du quotidien – chaises, pneus, bouteilles, etc. – qui ne tiennent “debout” que le temps d’une photo. « L’équilibre n’est jamais si beau qu’une seconde avant le fiasco » est la maxime qui irrigue ces images faisant vaciller le réel dans un jeu ludique. De manière plus conceptuelle, les deux créateurs / perturbateurs ont réalisé une sculpture en polyuréthane de l’Organe de l’équilibre : devenu immense, cette cochlée, creuse et spiralaire, évoquant un escargot ressemble à un clin d’œil malicieux aux mobiles de Calder alignés dans une immobile (!) et altière parade dans la salle voisine. Décidément, ces trois-là ont beaucoup à se dire !

À la Fondation Beyeler (Riehen / Bâle), jusqu’au 4 septembre
www.fondationbeyeler.ch

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