Les 130 ans du Théâtre du Peuple de Bussang !

Mélusine et son mystère, 1948, Archives départementales des Vosges, 83 J - Fonds du Théâtre du Peuple

À l’occasion de ses 130 ans, le Théâtre du Peuple déploie une programmation spéciale : le Jubilé. Plongée au cœur de cette célébration avec la directrice Julie Delille et le metteur en scène Sylvain Maurice.

Cette saison du Théâtre du Peuple est rythmée par des rendez-vous uniques. Que peut-on y retrouver ?
Julie Delille : Il y aura bien sûr les spectacles d’été « classiques », jusqu’au 31 août, mais aussi, et il est important de le préciser, tout un tas de petits événements organisés avec les seize associations locales. Depuis mai 2024, nous réfléchissons à la manière de célébrer le Théâtre, ensemble, de faire humanité. C’est la devise du lieu, donc inviter les habitants est une manière de leur redonner leur place. Chaque association organise ainsi des ateliers en gardant sa spécialité. Le club de tennis de table des Ballons HV convie par exemple à une après-midi découverte au milieu de surprises théâtrales (09/08, Halle de la Mouline), un énorme gâteau à partager sera à retrouver lors du concert de clôture Rouge Gazon (31/08, Théâtre du Peuple)…

Justement, Rouge Gazon est l’une des créations célébrant le territoire. De quoi s’agit-il ?
J.D. : C’est une expérience musicale composée par Julien Lepreux, qui a travaillé sur les musiques de la pièce Le Conte d’hiver et Hériter des brumes (20-30/08, Théâtre de verdure du Théâtre du Peuple), feuilleton théâtral également au programme du Jubilé. Nous l’avons invité car il a imaginé un album entièrement inspiré de Bussang. Chaque morceau correspond à un lieu propre au territoire, où il mêle des enregistrements pris dans la commune. Ici, il propose un moment en trois temps commençant à l’Église, dans une ambiance spirituelle, avec l’orgue, avant de se poursuivre au Théâtre et sur scène, avec de l’electro et de la pop.

Hériter des brumes, que vous venez d’évoquer, raconte pour sa part l’histoire de la structure à travers celle d’une troupe de théâtre. Comment la reconstituez-vous ?
J. D. : On dit que c’est un feuilleton, car elle est divisée en six parties et pensée comme une véritable série, avec toute cette dimension haletante et de suspense. C’est une pièce qui se joue sur la scène extérieure, dans le parc du Théâtre du Peuple. Je la monte, mais le texte a été commandé à deux auteurs de théâtre, Alix Fournier-Pittaluga et Paul Francesconi. Puisque ce ne sont pas des historiens, ils ont pu prendre quelques libertés, apporter leur propre réflexion. Ce n’est donc pas un documentaire, ils s’inspirent du lieu mais n’ont pas pour ambition d’établir une vérité. On emmène le spectateur dans l’aventure folle qu’a été cette utopie, à travers les drames, les guerres, l’amour. À chaque fin d’épisode, on dirait que le Théâtre ne va pas se relever. Il y a également plein de niveaux de lecture différents, car les comédiens, professionnels et amateurs, peuvent se jouer eux-mêmes, interpréter des personnages historiques ou bien incarner les protagonistes des pièces de Maurice Pottecher, le fondateur du Théâtre.


Une autre création est Le Roi nu (19/07-30/08), portée par Sylvain Maurice et adaptée de l’œuvre éponyme d’Evgueni Schwartz (1934).
J.D. : Sylvain m’a en effet proposé cette grande aventure collective, capable de rassembler un maximum de personnes, ce qui collait bien avec nos exigences. C’est aussi la première fois qu’il est invité à Bussang.
Sylvain Maurice : Avec dix-huit interprètes au plateau, nous gardons la cinquantaine de personnages originaux. Cette œuvre parle d’un tyran, un roi méchant qui, sans s’en apercevoir, est aussi un bouffon. Toute sa cour, qui a peur de lui, flatte les nouveaux habits qu’il a achetés auprès de tisserands… alors qu’en fait, il se retrouve complètement nu. C’est une comédie grinçante sur le pouvoir qui n’est pas sans faire penser à certaines figures politiques actuelles.

Comment vous saisissez-vous de ce récit, inspiré de trois contes d’Andersen ?
S.M. : Je ne rajoute rien à l’intrigue. J’essaie d’avoir une chose très enlevée, assez rapide, avec des musiques en live. Deux musiciens alternent rock et pop avec guitares, basses, guitares électriques, batterie, percussions et sampler. Il y a un hymne, plutôt joyeux, qui explique comment les gens se font embrigader. L’esprit, décalé, se retrouve aussi dans les costumes, très fantasques, inspirés de rockstars comme Freddie Mercury, Bowie, Prince mais aussi de styles à la Tim Burton ou Wes Anderson. La scénographie utilise bien sûr le Théâtre du Peuple, son architecture et son mur, qui s’ouvre sur la végétation. Nous créons aussi trois escaliers mobiles dans l’esprit de l’illustrateur Escher. Ce ne sera pas aussi virtuose, bien sûr, mais l’idée est que ces marches et portes dérobées instaurent un côté guignol, marionnettique, en faisant ressortir le règne de la peur de ce roi qui se prend pour une pop star.

Enfin, Julie, vous reprenez Je suis la bête (01-30/08), premier spectacle de votre compagnie des trois Parques. 
J.D. : Je dirais même qu’il s’agit davantage d’une recréation, pensée pour le Théâtre. Cette pièce a voyagé pendant huit ans, en France et à l’étranger. Elle parle de forêt – le lien est tout trouvé –, du monde des bêtes, de notre rapport au vivant et à l’autre. L’écrin du lieu permet par conséquent de lui don- ner une dimension plus puissante. J’y apporte peu de changements. Le texte a mûri, donc une petite partie a été retravaillée avec l’autrice, Anne Sibran. Certaines scènes sont remodelées pour s’adapter à l’endroit. On a par exemple modifié le début, la façon dont le public entre dans la salle. D’habitude, il arrive dans le noir. C’était impossible de reproduire ça ici, donc on a fait les choses différemment.


Au Théâtre du Peuple et dans différents lieux de Bussang jusqu’au 31 août
theatredupeuple.com

> La deuxième édition des Journées du Matrimoine (13 & 14/09), dédiée à la (re)découverte des figures féminines du Théâtre du Peuple, clôture la saison

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