Le festival Perspectives se met au cirque

Möbius par Christophe Raynaud De Lage

La 44e édition du festival franco-allemand Perspectives prend des couleurs circassiennes avec une programmation riche et variée, faisant la part belle aux artistes internationaux.

Dans ce grand rendez-vous scénique du printemps à cheval sur le Grand Est et la Sarre, se trouvent réunis au moins quatre représentants du nouveau cirque et de ses évolutions les plus singulières. Déjà venus en 2016 avec l’éblouissant Il n’est pas encore minuit…, la vingtaine d’artistes de la Compagnie XY signent leur grand retour avec Möbius. Fidèle à son attrait pour les portés acrobatiques, la troupe française s’est tournée vers le chorégraphe Rachid Ouramdane pour apporter un supplément de poésie et de précision dans sa présence scénique. Leur composition commune s’inspire ainsi de quelques vers de Rilke : « Qu’est-ce le dedans ? / Sinon un ciel plus intense traversé d’oiseaux / Et profond de tous les vents du retour. » Tout en ruptures et changements de rythme, Möbius se nourrit de fulgurances, ressemblant à s’y méprendre à une nuée de volatiles voltigeant dans les airs en arabesques apparemment improvisées. L’inventivité des portés et des jetés tutoie des sommets, à l’instar de leurs pyramides à cinq étages s’écroulant dans une douceur retenue qui confine à la grâce. Contrepied total avec le flamand Alexander Vantournhout. L’ancien gymnaste, formé ensuite à l’école d’Anne-Teresa De Keersmaker à Bruxelles, s’appuie sur la souplesse de son corps, tel un contorsionniste, dont il fait matière à jouer. Dans Through the grapevine, il s’inspire du pas de deux classique, codification de soli successifs d’un homme et d’une femme se terminant par une coda où chacun rivalise de virtuosité. Avec un autre danseur, il forme une série de duos aux entrelacements défiant l’anatomie. Si leurs inspirations sportives (yoga, combat…) sautent aux yeux, le plaisir du jeu éclate lorsqu’ils multiplient les formes chimériques à plusieurs bras et jambes. À cette sobriété apparente répond le flot de couleurs et d’actions du Groupe Acrobatique de Tanger.

Compagnie XY, Möbius

Pour la première fois, une pièce de cirque contemporain investit la grande scène du Saarländisches Staatstheater de Sarrebruck. FIQ ! (Réveilletoi !) réunit quinze jeunes acrobates prometteurs repérés dans tout le Maroc. L’artiste anglo-marocain Hassan Hajjaj signe les costumes (pantalons bouffants à pois sur chaussettes de couleur flashy, bandes de motifs vuitonnesques ou rayures toutes en longueur) et DJ Dino la bande-son d’un show enlevé, gage de bonne humeur contagieuse. Le parcours ne serait pas complet sans le spectacle pour fil instable, musique viscérale, technicien engagé et funambule secouée, signé des Filles du renard pâle. Résiste est leur lutte absurde, métaphore d’un hymne à la liberté. Last but not least, ne manquez pas Promise de la chorégraphe israélienne Sharon Eyal avec le ballet du Staatstheater de Mayence. Un rêve éveillé pour corps à l’unisson formant un seul battement de cœur, entre extase extatique et solitude dans le groupe. Aussi beau, touchant et précieux qu’une pièce de Pina Bausch.


Dans divers lieux de Sarrebruck, Sarreguemines, Saarlouis et Metz du 2 au 11 juin
festival-perspectives.de

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