Le dernier mot

© Michele Crosera

Avec la création française du Tueur de Mots de Claudio Ambrosini, l’Opéra national de Lorraine propose une variation humaniste sur la purification et l’harmonisation lexicales.

Opéra sur le verbe, Le Tueur de Mots est un ludodrame, néologisme forgé pour désigner un spectacle « qui débute dans la légèreté, comme un opera buffa pour se faire de plus en plus tragique au fil de l’action », explique Claudio Ambrosini (né en 1948). L’idée ? Elle vient d’une discussion entre l’écrivain Daniel Pennac et le compositeur vénitien qui fut étudiant en linguistique. La partition est enchâssée dans une vaste fresque en cinq parties décrivant la destinée de l’humanité, des mythes fondateurs au jugement final. L’œuvre présentée à Nancy (en coproduction avec le et le Teatro La Fenice de Venise), centrée sur le langage, est construite en deux époques : dans la première, un homme est chargé par une entreprise mondialisée « de faire rentrer les nouveaux mots dans le dictionnaire. Mais à chaque insertion correspond la disparition d’un terme tombé en désuétude. La mort d’un mot, représente aussi la fin de tout un pan de la culture. » Dans l’Acte II, nous sommes transportés 25 ans plus tard : la mission du tueur est désormais d’enregistrer les langues « en voie de disparition, avant la mise en place, à minuit, de la langue unique ». Travail pharaonique, impossible et, on le constatera, vain…

© Michele Crosera

Réflexion sur le mythe de Babel et l’uniformisation sans cesse croissante de la planète où un sabir mondialisé, sorte d’anglais abâtardi, est en train de devenir la langue de communication élémentaire, ce Tueur de mots est l’occasion de scènes réjouissantes avec l’irruption, sur scène, de dialectes imaginaires aux sonorités curieuses. L’œuvre est aussi l’occasion d’interrogations fondatrices sur le devenir du langage et la menace pesant sur des centaines d’idiomes qui ne sont plus parlés que par quelques dizaines de personnes. La musique de Claudio Ambrosini est profondément « vénitienne », c’est-à-dire « pétrie des recherches les plus pointues de son époque » pour celui qui fut influencé par Bruno Maderna et Luigi Nono et qui dirige le Centre International pour la Recherche Instrumentale. Voilà une partition au puissant pouvoir d’attraction, où « les techniques de chant et les manières de jouer les instruments ne sont pas traditionnelles », où, par exemple, des sons sont produits en glissant des gongs et des cloches dans l’eau…

À Nancy, à l’Opéra national de Lorraine, du 26 juin au 3 juillet Rencontre avec Claudio Ambrosini et Daniel Pennac, vendredi 22 juin à 18h30
03 83 85 33 11 – www.opera-national-lorraine.fr

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