La fin du tant

Photo de Benoit Schupp

Renaud Herbin s’associe au compositeur et artiste sonore Philippe Le Goff pour créer Milieu & Alentour, une immersion et une confrontation aux forces secrètes de la nature.

Le Festival mondial des Théâtres de Marionnettes1 et Musica2 ne s’y sont pas trompés. La rencontre des univers du directeur du TJP strasbourgeois et celui du Césaré rémois a tout du choc cosmique. À son spectacle Milieu3, Renaud Herbin crée avec son nouveau compère un alentour. « Quelque chose d’atmosphérique pour prolonger la confrontation à l’environnement du monde minéral et aquatique qui nous entoure, comme la marionnette à fils que je manipule. Il s’agit de faire exister les forces secrètes de la nature par le son », ambitionne-t-il. Avant de se nicher sous nos yeux au sommet d’une structure cylindrique évidée, lui servant de castelet moderne pour livrer une histoire crépusculaire dans un décor lunaire de graphite noir, le metteur en scène errera parmi les spectateurs autour d’un nouveau dispositif, guidé par « le fantasme d’un lieu sans assise ou chacun choisit sa place et la distance qu’il met avec ce que nous proposons ». Sept satellites en forme de minis-tours indépendantes – abritant chacune sa lumière, une matière et une manière différente de la mettre en jeu – entourent la tour de Milieu vers laquelle tout le monde finira par converger, suspendu à la finesse des mouvements et aux expressions poétiques d’un pantin évoluant tout en ruptures dans un no man’s land aux airs de fin du monde.

Photo de Benoit Schupp

Avant de scruter dans une pénombre intimiste le manipulateur en équilibre instable, guettant les moindres inflexions provoquant d’infimes oscillations chez sa marionnette, Philippe Le Goff propose un « voyage intérieur » peuplé de ses inventions sonores. Cet amoureux fou du Grand Nord mélange ses enregistrements à l’hydrophone de craquements de banquise et de chants de baleines au son de graviers et de grains de sable plus ou moins humides s’écoulant sur des plaques, de galets assemblés aux vibrations captées par des haut-parleurs à très basses fréquences, d’électro aimants installés en sélonoïdes ou d’un grand disque de glace fondant, goutte à goutte dans un bassin d’eau. Le tout forme d’étonnants paysages sonores permettant, grâce à des miroirs obliques installés au sommet de certains dispositifs, une démultiplication des points de vue pour les spectateurs. « Ils deviennent les protagonistes de cette mise en condition et en abîme de Milieu, qui lui ne bouge guère, seulement altéré par les résonances avec l’expérience inaugurale. » Nul doute qu’une certaine urgence face à l’implacable – la recherche d’une improbable issue, comme dans Le Dépeupleur de Beckett, livre qui accompagna la création – teintera les errements du personnage en quête d’altérité face à un environnement hostile et rempli de dangers.


À Charleville-Mézières, lundi 23 et mardi 24 septembre (dès 8 ans) dans le cadre du Festival mondial des Théâtres de Marionnettes
festival-marionnette.com

Au TJP Grande Scène (Strasbourg), du 30 septembre au 2 octobre dans le cadre du Festival Musica
festivalmusica.fr
tjp-strasbourg.com

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