La condition humaine

© BM PAlazon

À travers la pathétique rencontre amoureuse de Menschel et Romanska, l’auteur israélien Hanokh Levin pointe la « grandeur de la petitesse humaine ». Le metteur en scène Olivier Balazuc présente l’adaptation théâtrale de cette nouvelle, à la Comédie de l’Est.

Au bout du fil, la voix est séductrice. Une promesse de bonheur. Derrière le timbre rauque et sensuel, Menschel imagine la femme de ses rêves. Il s’apprête à faire la rencontre de sa vie, c’est certain. Sauf qu’Hanokh Levin n’est pas un auteur à l’eau de rose. Le charme ne survit pas au premier regard et l’instant promis devient un désastre. « D’emblée, ils sont comme un miroir l’un pour l’autre, se renvoyant leur propre médiocrité. Ils se haïssent pour n’avoir pas trouvé en l’autre la rémission espérée », explique le metteur en scène Olivier Balazuc. « Levin travaille comme un entomologiste, il dissèque le processus qui transforme le fantasme en un système de guérilla. Les deux personnages sont caractérisés le moins possible : l’important est la stratégie qu’ils développent pour se faire du mal. » Car s’ils se déplaisent prodigieusement au premier coup d’œil, les voilà, tenus par les conventions sociales, obligés à passer la soirée ensemble. Comment meubler le temps dans ces conditions ? Pour Romanska, un seul objectif : faire cracher à Menschel le maximum d’argent. Il préfère se déplacer à pied, elle en taxi : ce sera le bus. Elle espère un grand restaurant, il lui offre un falafel au marché, qui la rendra malade. Laideur contre avarice, petitesse contre mesquinerie, la guerre est déclarée.

« Personne ne sort jamais satisfait de ces duels, on est toujours dans le compromis qui fait perdre ses couleurs à l’existence », souligne le metteur en scène. « Levin est le Molière israélien, il donne à voir tous nos défauts qui nous retiennent d’être grands. » Pourtant, il y a toujours chez l’auteur cette tendresse qui point sous la drôlerie violente. Comme l’instant où les deux personnages imaginent l’enfant que l’autre a pu être. « Sous les couches de renoncement et d’aigreur, on a la vision de ces êtres revenus à l’état d’enfance, ce temps de l’innocence où tout est possible. Derrière le masque de la vie courante, voir le cœur qui palpite… » Pour adapter cette nouvelle au théâtre, Olivier Balazuc a transformé son comédien, Daniel Kenigsberg, en conférencier. Menschel et Romanska, symbolisés simplement par leurs noms sur un panneau, deviennent des éléments d’étude scientifique, jusqu’à ce que l’acteur soit lui-même « happé par son sujet, pris dans l’épaisseur de la pâte humaine » et qu’il se confonde avec les personnages. « En cela, il figure ce qu’est le théâtre : on joue avec des identités, mais c’est toute l’humanité qui apparaît au travers. »

À Colmar, à la Comédie de l’Est, du 3 au 5 avril
03 89 24 31 78 – www.comedie-est.com

 

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