Julia Vidit crée Quatrième A (lutte de classe)

© Lucile Nabonnand

Poursuivant sa fidélité à l’auteur Guillaume Cayet, Julia Vidit crée Quatrième A (lutte de classe) au Théâtre de la Manufacture. Entretien avec la metteuse en scène nancéenne.

En suivant le flash-back de La Discrète, personnage revenant sur les trois jours précédant la révolte de sa classe, vous entendez renouveler l’imaginaire de la lutte face à l’institution…
Notre précédente pièce, Skolstejk (la grève scolaire), explorait déjà le théâtre-récit avec deux narrateurs racontant l’engagement de la jeunesse au lycée. Je souhaite redonner voix et voie à la possibilité de la lutte face à la résignation ambiante, en représentant la mise en mots. Dans Quatrième A, La Discrète raconte son parcours, ose prendre la parole et devenir La Bavarde. On revit les trois jours menant au soulèvement et à l’occupation du toit de l’établissement par son prisme. Elle est à la fois dedans et dehors, avec un pied dans le futur. Je crois que la question de l’engagement est liée à la forme et à la prise de parole : dire c’est déjà agir. L’ordre et le désordre sont liés à la possibilité de dire qui s’ouvre dès que la remise en cause de l’ordre devient possible. Le système au collège est très normatif, produit de l’inégalité et de la reproduction. L’école est au service de l’État, qui n’a pas intérêt à ce qu’on le remette en question. J’entends représenter la liberté de cet élan et pas de tout péter dans une révolution. Car la révolution relève plutôt d’un assemblage de forces.

L’école reste un lieu à partir duquel changer le monde ?
Oui. Elle doit aussi être un endroit de rêve personnel, alors même qu’on demande aux élèves de s’orienter de plus en plus tôt. L’un des fils de la pièce part de ces rêves qui, pour certains, sont déjà brisés et perçus comme impossibles. Un faisceau de choses, de rencontres, de profs marquants montrent les possibles, et on se met à y croire.

La narratrice s’adresse directement au public, les quatre autres comédiens interprétant une trentaine de rôles…
Elle pense à voix haute autant qu’elle s’adresse à nous, ce qui est génial théâtralement parlant, car elle convoque, par son imaginaire, l’idée que la parole produit les personnages, les paysages, les situations. Ce qui rend possible à chacun d’être autre chose, par l’invention : le propre du théâtre. Décider, comme le dit Corneille : « C’est parce que je le dis que je le suis. » Mais les assignations fonctionnent sur le même principe, les personnages étant catalogués par des surnoms (La Wifille, Le Nouveau, L’Amoureuse…), comme un miroir de la société se reflète ici l’assignation sociale des adultes.

Ce que reproduit en quelque sorte la scénographie d’une salle de classe, ses places attitrées et son ordre implicite…
La Discrète nous présente tout le monde par sa place dans la classe. Tout se voit par ce prisme même si on y projette de nombreux autres espaces (cour, WC, cantine…), ce qui est un peu fou à réussir ! Nous utilisons comme des calques qui se posent sur la classe pour la déformer et, par débordements, faire advenir d’autres lieux avec la complicité de l’imaginaire des spectateurs.

Julia Vidit
Julia Vidit : Quatrième A (lutte de classe) © Photo de répétition par Lucile Nabonnand

Au Théâtre de la Manufacture (Nancy) du 20 au 24 février puis en tournée en l’Église Jeanne-d’Arc (Verdun) samedi 23 mars dans le cadre de Voilà ! Le Festival (22 & 23/03) et à l’ACB (Bar-le-Duc) jeudi 18 avril


theatre-manufacture.frtransversales-verdun.com
acb-scenenationale.org

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