J’irai danser sur le vieux monde

Réalisés pour ses shows chorégraphiques, ses costumes – emprisonnant le corps pour mieux l’interroger – ont notamment influencé David Bowie, captivé par la personnalité rigoureuse et exubérante d’Oskar Schlemmer. Le Centre Pompidou-Metz rend hommage à L’Homme qui danse du Bauhaus.

Aquarelles, croquis annotés, photographies, maquettes, masques de théâtre, et surtout, costumes d’époque ou reproduits à partir de ses dessins d’une remarquable précision… Au milieu des innombrables pièces de l’artiste, Raman Schlemmer, petit-fils d’Oskar et commissaire de l’exposition, évoque un hyper-créatif né à Stuttgart en 1888 qui s’engagea comme volontaire en 1914, fasciné « par la grande machine militaire », à l’image d’Apollinaire. « Face à la destruction », il déchantera vite et poursuivra ses recherches artistiques, se passionnant pour la création chorégraphique, art total lui permettant de synthétiser ses préoccupassions – la place de l’Homme dans l’espace, le corps en mouvement… – et passions – peinture, sculpture, architecture, musique… – notamment au sein du Bauhaus. Appelé par Walter Gropius, il rejoint l’école de Weimar puis de Dessau où il enseigne, parfois déguisé en clown, face à des étudiants médusés et charmés par son érudition. Oskar Schlemmer se charge de l’atelier de peinture murale, d’un théâtre expérimental ou même d’organiser de grandes fiestas thématiques au sein de la sérieuse institution. Face à une photo de 1928 montrant l’artiste, crâne glabre et masque grotesque à la main, parmi des étudiants costumés, Emma Lavigne, directrice du Centre Pompidou-Metz et co-commissaire, nous glisse : « Lorsque le monde est en ébullition, qu’il peut nous engloutir, il peut être vital de faire la fête, de danser sur les cendres, au bord du volcan. Au travers de la danse, on traduit quelque chose de collectif. » Ainsi, il invite les étudiants à valser et se trémousser « pour oublier les difficultés du temps présent », mais aussi pour, « construire un autre monde dans la joie, car la fête est porteuse d’une utopie ! »

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L’exposition regroupe des archives provenant essentiellement de la collection familiale conservée par Raman. Elles ont une valeur inestimable, fragiles traces d’un art éphémère ayant marqué plusieurs générations : la directrice du Centre Pompidou-Metz nous cite la mode de Gaultier, le look de Bowie, les vidéos de Bruce Nauman, les chorégraphies de Lucinda Childs ou les scénographies de Haegue Yang qui va faire le voyage depuis la Corée pour contempler les extravagants costumes du Ballet triadique. Il n’y a qu’une seule captation (de 1926) d’un spectacle de Schlemmer, celle de 12 minutes de ce Ballet, épine dorsale de l’œuvre du chorégraphe / metteur en scène / décorateur / interprète, etc. Reposant sur les trois couleurs primaires, les trois dimensions, le trio de formes fondamentales (sphère, cube et pyramide), Das Triadische Ballett dévoile les aspirations de Schlemmer qui, dans ses travaux, fait cohabiter Apollon et Dionysos. Emma Lavigne évoque un permanent « va et vient entre jubilation et épure, joie et mélancolie, burlesque et pensée de Vinci ou de Dürer qui interrogeaient la position de l’Homme dans le monde. »

 

Au Centre Pompidou-Metz, jusqu’au 16 janvier 2017

www.centrepompidou-metz.fr

 

≥ L’Envers : créations d’Oskar Schlemmer (notamment le Ballet triadique) interprétées par le CCN – Ballet de Lorraine, au cœur de l’exposition, les 03 & 14/12, puis le 14/01/2017 (15h-18h)

www.ballet-de-lorraine.eu

 

Oskar Schlemmer, Danse de l’espace, 1927, avec Oskar Schlemmer
© 2016 Oskar Schlemmer, Photo Archive C. Raman Schlemmer, www.schlemmer.org

 

Oskar Schlemmer. Das Triadische Ballett. Le Ballet Triadique, Boule d’or, figure, 1922 (1967/85)
© 2016 Oskar Schlemmer, Photo Archive C. Raman Schlemmer, www.schlemmer.org

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