Je suis falkbinder

Photo de Jean-Louis Fernandez

Stanislas Nordey partage la mise en scène de Je suis Fassbinder avec Falk Richter. Une pièce engagée et grinçante qui s’attaque au racisme et aux nationalismes réémergents en Europe.

Des alter ego, à l’instar de Chéreau / Koltès, rien de moins. Ayant pris la tête de l’institution strasbourgeoise, Stanislas Nordey proposa immédiatement à Falk Richter d’en devenir un des auteurs associés et de construire, à quatre mains, sa première création maison. « Il écrit tout, mais c’est moi qui lui ai glissé la thématique de Fassbinder, comme un aiguillon qui le pique pour aller en des terrains inhabituels », confie-t-il, malicieux, se rappelant du plaisir pris par l’auteur allemand dans cette pièce, de son propre avis « l’une des choses les plus importantes qu’il ait écrite dans sa vie, sûrement parce qu’il était alors loin de chez lui. Je suis Fassbinder est une sorte de triple autoportrait croisé. » Symbole des artistes engagés des années 1960-1970, créateur provocant et tout en démesure, Fassbinder a tourné 42 films en 17 ans. Un bourreau de travail dont la vie était entièrement dédiée à son œuvre. Fidèle à son croisement de différents modes d’écriture et de langage, Richter nourrit son processus de création du collectif : citations, réactualisations de scènes de films choisies par les comédiens, extraits intimes et monologues introspectifs d’un être angoissé et déboussolé par l’évolution d’une société dont il ne cachera aucun des bouleversements actuels.

Photo de Jean-Louis Fernandez

Frontières, nationalisme, racisme, migrants, sexualité, terrorisme, homophobie… « Mon processus vise à regarder notre monde par ses yeux. » Cigarettes, alcool, nuits blanches à refaire le monde et nudité créent une “ambiance Fassbinder” qui prend corps au plateau, les comédiens portant beau : manteaux seventies au col évasé, Ray-Ban hublots, chemises en flanelle et pantalons pattes d’eph’ dans un décor sur trois niveaux avec tables et immense canapé noir en skaï. L’auteur et metteur en scène prend pour fil rouge une réactualisation de L’Allemagne en Automne, regroupant des courts métrages de différents réalisateurs autour des années de plomb. Fassbinder y évoque la Bande à Baader et l’état d’urgence. Il y questionne notamment sa propre mère avec virulence, la poussant à exprimer son désamour pour la démocratie et le sentiment, partagé à l’époque, souhaitant le retour d’un dictateur éclairé à la tête du pays. « La situation m’a fait penser à celle de la France après les attaques du 13 novembre à Paris », explique le dramaturge. « Je me souviens de ce sentiment premier de peur quand j’ai appris ces événements, me demandant comment cela pourrait changer nos vies… »

À La Comédie de Reims, mercredi 13 et jeudi 14 décembre

lacomediedereims.fr

Au Théâtre national de Strasbourg, du 18 au 22 décembre

tns.fr 

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